Chapitre 10 : La ruine de Comé

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— Elle ne cesse de me rabaisser. À ses yeux, je ne suis qu'un simple larbin pour ses manigances, sans la moindre forme de gratitude. De plus, je suis contraint de supporter l'autre moucheron et ses chants, sa voix me casse les oreilles. Quant à cette aura brillante qui l’entoure, elle me pique les yeux ! s’indigna Madrec, une irritation manifeste dans sa voix chargé d’amertume, alors qu’il dévisageait leur jeune guide sautillant avec une légèreté presque provocante.

— J'ai bien saisie l’ampleur de ton agacement, mais aussi exaspérant que puisse être ce Chemayi, il nous faut le suivre, comme l’a clairement stipulé la comtesse. Il représente notre unique espoir de conserver notre anonymat et de rester hors de vue. Garde en mémoire que des chasseurs de primes sont à nos trousses, répondit Samellia, sa voix trahissant un calme imposée.

Leur périple les avait conduits à l’assaut d’une montagne sévère et impitoyable. Les sentiers étaient un labyrinthe de roches acérées et de pentes traîtresses. À chaque pas, le danger guettait, dissimulé sous un voile de poussière et de brume.

Samellia, ses pieds mal assurés cherchant en vain une prise solide, fut trahie par une pierre sournoise qui roula sous son poids. Madrec, avec des réflexes forgés par des années d’aventures périlleuses, étendit ses bras pour la saisir. Ensemble, ils dévalèrent la pente, un tumulte de graviers s’élevant autour d’eux.

Dans un acte de protection instinctif, le jeune homme se positionna sous sa partenaire, son dos rencontrant le sol dur en premier. Il ferma les yeux, s’attendant au pire, tandis que Samellia, dans un élan de terreur, laissa échapper un cri strident qui se répercuta contre les parois de la montagne, annonçant leur chute tragique.

Quand le silence retomba, brisé seulement par le frémissement du vent, la mystérieuse ouvrit les yeux avec hésitation. À sa grande surprise, ils étaient intacts, sauvés par la résilience surnaturelle de Madrec. Avec une agilité qui défiait la logique, il se releva, secouant la poussière de son manteau, son regard déjà fixé sur les défis à venir.

— Tu nous as... tu nous as sauvés ? Tu es vraiment un homme à part, tu sais ça ? J'espère que tu n'as rien ? articula-t-elle, un soulagement évident dans sa voix, avant de murmurer une prière de gratitude à Izosin, le puissant gardien des montagnes.

Leur attention fut cependant vite détournée par les rires moqueurs de leur petit guide qui poursuivait sa route en sautillant, manifestement indifférent à leur mésaventure.

— Ce petit con commence sérieusement à me les briser, marmonna Madrec entre ses dents serrées.

— Laisse-le, intervint Samellia en posant une main apaisante sur son épaule. Regarde là-bas, juste devant nous. On dirait que nous sommes enfin arrivés à Comé.

— Tu es certaine que c'est bien ici ? lui demanda Madrec, l'air dubitatif.

— Absolument. Le Chemayi a disparu à l'entrée du village. C'est précisément ainsi que Serphija m'a décrit le signe qui nous indiquerait notre arrivée.

— Chemayi... vous les sorcières, je ne sais pas comment vous faites pour retenir tous ces noms bizarres, ça me dépasse. Et puis, tu sembles accorder bien facilement ta confiance à cette menteuse d'Émilie. Rassure-moi, tu ne vas pas me dire que tu l'apprécie, ou que tu crois qu'elle pourrait devenir ton amie, n'est-ce pas ? interrogea-t-il, un regard suspicieux voilant ses yeux.

— Ses conseils ont peut-être été utiles jusqu'à présent, mais de là à l’appeler amie, c’est une autre histoire. D'ailleurs, pourquoi te soucies-tu de ce que je pense d'elle ? Tu as toi-même ignoré ses paroles quand nous étions chez elle, lança-t-elle, l’agacement perçant dans sa voix.

Funeste Origine - Tome 1: Des hommes et des monstresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant