Alors que l'Airbus A320neo amorce sa descente, les lumières de la cabine s'éteignent et les passagers du vol 4414 de Scandinavian Airlines à destination de Longyearbyen sont priés d'utiliser les liseuses au-dessus de leur tête.
George jette un coup d'œil à sa montre : 13h40. Il regarde par le hublot. Vers l'arrière-bâbord, un lent crépuscule. Sur tribord, nuit noire. Autant il avait vu une aurore boréale peu après le décollage de Tromsø, autant maintenant il n'y a plus rien. Aucune lumière à l'horizon.
L'archipel du Svalbard est situé à mi-distance entre la pointe nord de la Norvège et le pôle Nord. La nuit polaire y couve jusqu'à fin février. Officiellement sous souveraineté norvégienne, l'archipel doit plutôt être considéré comme un territoire international sous protectorat norvégien depuis le traité de Paris concernant le Spitzberg du 9 février 1920. Territoire international, où tout le monde peut s'installer sans permis de séjour à condition d'y chercher activement du travail. Tout pays signataire du traité peut y extraire des ressources naturelles à condition d'y respecter certaines normes environnementales édictées par les autorités protectorales norvégiennes. Cette internationalité du territoire avait permis à certains réfugiés syriens prêts à braver le climat arctique de s'y installer sans demander l'asile. Cette même internationalité avait permis à l'Union soviétique d'y acquérir et maintenir deux exploitations minières, l'une au nord de Longyearbyen, à Pyramiden, l'autre au sud-ouest du chef-lieu norvégien, à Barentsburg.
Au cœur de la Guerre froide, l'Union soviétique maintenait une présence de 6.000 Soviets, majoritairement des Russes et Ukrainiens, dans ces deux colonies afin de s'assurer, dans un accès de paranoïa, que la Norvège, membre de l'OTAN, n'y installe pas de base secrète genre 'méchant de James Bond'. L'exploitation de Pyramiden, déficitaire, avait fermé dans les années 1990. Les mines de charbon de Barentsburg sont toujours en activité. Il y réside toujours un demi-millier de Russes. Et pour les servir, la mission diplomatique la plus septentrionale du monde : le consulat russe de Barentsburg. La raison du voyage de George.
Un voyage compliqué en raison de la réduction des vols en direction de la banlieue nord de l'Europe, consécutive à la crise covid. George était arrivé à Stockholm la veille au soir, avait dormi sur des sièges de l'aéroport d'Arlanda comme tout bon chercheur en géologie mal payé, après avoir toutefois envoyé sa demande en ligne de visa russe. Il avait également pris le soin d'envoyer un mail directement au consulat de Barentsburg, en expliquant sa situation. Dans la matinée, il avait pris le premier vol pour Oslo puis était monté dans l'avion de 10h00 avec escale à Tromsø.
À Tromsø, il avait pu lire la réponse de Natacha : sa sœur Katerina savait que Natacha avait été sexuellement abusée par leur père quand elle était petite. Après avoir appris ce que son époux faisait à Natacha, leur mère avait voulu savoir si c'était aussi le cas de Katerina. Bien heureusement, non. Sa sœur a cependant peur de leur Père, et cherche simplement à profiter au maximum de la vie sans déclencher son courroux, donc pas sûr qu'elle se rallie à leur cause, sauf si elle devait réaliser qu'elle aurait beaucoup à perdre avec une invasion de l'Ukraine. Le plus simple pour attirer Katerina hors de Russie et le plus proche de la Belgique? Un tournoi de Poker avec des membres du cercle d'oligarques russe de Monaco. Alors sa sœur trouvera un moyen de perdre ses garde-corps pour rallier la principauté, mais encore une fois, pas sûr qu'elle se laisse convaincre si elle est approchée par les services belges. George l'avait remercié et avait passé l'information à Grand Manitou, juste avant de remonter dans l'appareil pour Longyearbyen.
L'avion vire de bord, et George peut maintenant distinguer le paysage enneigé du Spitzberg : vallées en U jadis taillées par d'antiques calottes glaciaires, plateaux désertiques enneigés, glaciers, et naturellement aucun arbre. Sur la côte, il n'aperçoit presque aucune banquise. Le réchauffement climatique est passé par là.
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L'espion à la fille désenfantée
Misterio / SuspensoQu'ont Hitler, Staline et Trump en commun ? Ils souffrent de perversion narcissique. Un trouble de personnalité bien décortiqué par la psychiatrie française. Séducteurs hors-pairs, excellents menteurs, dénués d'empathie, ils trouvent leur raison d'ê...