Chapitre 18

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- Je ne sais rien de la vie, on me l'a enlevée.

Ses mots pèsent dans la chambre.

- Bien sûr que non, Bonnie. Ce n'est pas parce que tu es aveugle que tu ne sais rien. Tu peux profiter comme une personne normale.

Elle soupire.

- J'aurai pu te trouver beau réellement si je n'avais pas une famille aussi merdique. À la place, j'imagine un beau jeune homme.

C'est ce que j'ai cru entendre. Mais je garde cette phrase pour moi.

- Tu rigoles? Ben et Daisy sont des Anges. Et de tes cousins, je n'en parle pas...

- Je ne parle pas d'eux! S'énerve-t-elle en levant la tête.

- De qui tu parles alors? Tu peux me le dire,dans la définition d' être en couple, si nous pouvons nous considérer ainsi, figure le mot «vulnérable». Confies-toi.

J'essaie d'avoir une voix apaisante.

- De mon père...

Elle laisse couler une larme le long de sa joue.

- Ton père?

Je sens que je vais obtenir des réponses, mais je sens que cela va être très difficile pour Bonnie. Je serai là à ses côtés pour lui apporter mon soutien. Elle hoche la tête à ma question.

- Pourquoi?

Je ne veux pas paraître insistant, je veux juste l'aider. Après quelques secondes interminables, elle répond :

-C'est lui qui m'a enlevé la vue.

Des larmes lui marquent le visage et elles sont de plus en plus nombreuses.

- Dis-moi tout, Bonnie. Libère-toi de ce fardeau. Énerve-toi s'il le faut.

Sans que je m'y attende, Bonnie se lève rapidement. Sa respiration est irrégulière et forte.

- Tu veux savoir Arthur? OK. Tiens bien le volant, car une tempête arrive. J'avais un frère, mort. Noyé dans les mains de mon père.

Bien, ce n'est pas une tempête à quoi j'ai à faire, mais un tsunami vu comment elle pleure.

- Mon sale père venait d'être viré de son taff et il avait constamment la rage. Il a tué Amel parce qu'il pleurait! C'était normal qu'il pleure, c'était un bébé!

Son ton est plein de dédain, de mépris, d'aberration, de colère et d'une énorme tristesse.

- Depuis, il disait qu'il s'en voulait en nous frappant. Et pas de simples gifles comme tu en as eu l'expérience, Arthur. Il nous jetait au sol, ma mère et moi. Il nous torturait! Regarde mes bras! (elle soulève ses manches) Regarde!

 Je jette un coup d'œil et c'est l'horreur. Plein de marques, elles couvrent presque la totalité des bras.

- Le pire c'est le dos.

Elle enlève son T-shirt et se met dos à moi. Ce que je vois me glace le sang. J'ai jamais rien vu d'aussi horrible, déconcertant. Cette cicatrice qui lui traverse le long du dos, tel un coup de couteau qu'on lui aurait enfoncé en faisant une ligne droite. J'en ai mal au cœur.

- Je vais te dire comment je suis devenue aveugle. Une question que tout le monde se pose et que peu savent.

Je me prépare mentalement à la suite.

- C'était un soir, j'étais dans la salle de bain pour changer mon pansement à la jambe quand mon père entra soudainement. Il avait découvert que ma mère voyait quelqu'un d'autre. Ne la trouvant pas, il a voulu se venger sur moi.

Elle reprend sa respiration comme si elle était restée en apnée.

- Il m'a pris et m'a balancé par-dessus les escaliers.

C'est dur de rester impassible.

- J'ai cogné une étagère en verre. Elle est tombée sur moi, j'ai failli en mourir.

Tellement dur que des larmes traversent silencieusement mes joues.

- Tu sais... Je me dis que j'aurai préféré ne pas être secourue à temps.

J'étouffe un sanglot. Je n'imagine même pas sa souffrance...

- Mon connard de père s'est suicidé en prison l'an dernier en disant qu'il souffrait et qu'il nous aimait. Je ne l'ai pas cru une seule seconde, et aujourd'hui ce n'est toujours pas le cas. Sinon, il ne nous aurait jamais fait subir ce genre de choses, il nous aurait protégé de la violence. Ma mère l'a rejoint il y a deux mois.

Perdre ses deux parents est difficile. Je le sais.

- Je la comprenais aussi, reprend-elle avec tristesse. Je la faisais souffrir et elle n'avait pas de soutien de quiconque. Elle n'arrivait plus à payer quoi que ce soit comme le lycée, les courses ou autres. Elle voulait que j'ai une meilleure vie. J'ai envie de dire que c'est une preuve de courage et qu'elle s'est sacrifiée pour sa fille, mais c'est aussi un signe de faiblesse.

Je ne sais pas où je dois me mettre.

En regardant Bonnie, j'ai le cœur déchiré, je continue à verser des larmes pour elle. Pour lui montrer que je suis avec elle. Pour rien au monde, je ne prendrai le parti de quelqu'un d'autre.

- Je te jure que je donnerai tout pour retrouver la vue! Tout!

Elle tremble. Je me lève pour la serrer dans mes bras, je lui caresse les cheveux tandis qu'elle se lâche sur mon épaule.

- Tu aimes toujours une fille comme moi?

- Oui. Toujours.

Bonnie relève la tête et je dépose mes lèvres sur les siennes. 

Je souffre du début à la finOù les histoires vivent. Découvrez maintenant