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Nouveau souffle d'exaspération de maman contre le gloussement de Felton. Tammy en profite pour faire son renvoi, ce qui réjouit mon frère qui lui tapote gentiment le dos. Je fonds de tendresse face à un Felton attentionné et doux. Il ferait un bon papa, mais pour cela, il faudrait d'abord qu'il laisse une personne entrer dans sa vie.

― Je ne m'intéresse pas aux filles pour leur conversation, le tacle Adam. Elles ont d'autres talents bien plus utiles.

Je lève les yeux au ciel face à son rictus de voyou. Il faut toujours qu'il ait le dernier mot. Une nouvelle notification retentit ; cette fois-ci, c'est pour moi. Faith me remercie pour toutes les photos que je lui envoie de sa nièce. Elle s'émerveille et a l'impression qu'elle change chaque jour. Je souris tandis que mes doigts tapotent sur l'écran.

[Imagine quand tu pourras fêter ses un an avec nous.]

[J'espère la voir avant. Regarde ce que je lui ai acheté.]

Tout en patientant, je constate que Tammy s'est endormie. Elle dort beaucoup mieux depuis notre arrivée. J'espère pouvoir grappiller une heure de sommeil en plus cette nuit. J'ai reçu la photo et lâche un soupir de ravissement en découvrant une peluche, une sorte d'oiseau brun avec un long nez fin et courbé. D'après ses explications, c'est un kiwi, une mascotte en Nouvelle-Zélande.

[Elle va adorer ! merci <3. Tu me manques.]

[Toi aussi. On s'appelle bientôt. Ciao]

J'éteins mon téléphone et prends le temps d'observer chaque membre de ma famille. Il manque plus que Kenton, un rêveur solitaire, depuis sa plus tendre enfance. Mon frère est un jeune archéologue, en quête de trésors enfouis dans la terre, qui préfère vivre sa vie dans les siècles passés. Lui qui voyage à travers le monde, je le vois rarement. Je compense son absence par la lecture de ses nombreux articles qu'il publie dans son blog. Il est doué pour capter l'attention de ses lecteurs, moi la première. Mes commentaires sont la source de nos échanges. Les épreuves ont été nombreuses, douloureuses, mais notre famille est toujours restée unie.

Être entourée des personnes que j'aime le plus au monde est exactement ce qu'il me fallait. Je me sens détendue et heureuse en leur présence. Comme si je pouvais tout surmonter grâce à leur soutien et d'être aimée quoiqu'il m'arrive. Est-ce que ma vie est toujours à New York ? songé-je. Moi qui suis une New-Yorkaise de cœur, je n'aurais jamais cru y penser un jour ; mais ça, c'était avant ma luciole. Bien sûr, il y a Julia. Elle fait partie de ma famille, mais entre sa boutique, son homme et son filleul dont elle est la tutrice légale, elle est pas mal occupée. Je n'ai aucun doute qu'elle aura toujours du temps pour moi et sa filleule, mais la partie esseulée en moi sait que j'ai besoin de plus.

Mes incertitudes et mes craintes en l'avenir m'assaillent d'une bouffée de mélancolie. Je croise les bras contre ma poitrine comme pour me réchauffer. Cette attitude n'échappe pas à l'œil maternel et à son froncement de sourcils. Je la rassure d'un sourire sincère, car j'ai la conviction qu'elle serait heureuse de m'accueillir à la maison. D'avoir toujours de l'animation quand mes frères et ma sœur auront quitté le nid. En attendant d'y réfléchir sérieusement, j'ai besoin de ma fille et la récupère dans les bras de Felton. Je hume son odeur de bébé qui efface le sombre brouillard de mes pensées.

***

Le lendemain, Oliver se gare devant la devanture de son magasin de musique. Je sors de la jeep, sans Tammy. Maman voulait avoir un moment seul avec sa petite fille. C'est la première fois en six semaines, et cette liberté soudaine me donne l'envie de flâner. De prendre du temps avec mon petit frère. Je lève les yeux jusqu'à l'enseigne.

La mélodie du bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant