Suite

88 23 2
                                    

Je profite de la mélodie plus lente quoiqu'un peu mélancolique pour la serrer contre moi. Un bras autour de ses épaules et une main, au creux de sa taille, son souffle chatouille mon cou. Elle est mon paradis.

― C'est même plutôt facile d'être avec toi, chuchote-t-elle si bas que je retiens mon souffle. On ne devrait pas.

Elle y met si peu de conviction que je profite de ma chance.

― C'est leur dernier morceau. Laisse-moi en savourer chaque seconde.

Abby, je veux m'imprégner de toi au point d'en perdre la raison, songé-je.

Mais je ne peux pas lui dire. Pas encore. Son téléphone sonne, mais elle l'ignore à mon plus grand soulagement. À la place, ces doigts agrippent ma chemise dans mon dos pour se laisser aller à notre étreinte. Son corps se relâche et mes pas la guident avec douceur. Cette soudaine intimité entre nous délie sa langue.

― Grant a refusé de voir Tammy.

J'entends à son intonation que c'est douloureux pour elle. Dans un élan protecteur, mes bras se resserrent autour d'elle.

― Il apprend qu'il est son père et la seule chose qui l'intéresse est de se débarrasser d'elle en échange d'un putain paquet de fric... Je le déteste !

Sa voix qui se brise me prouve le contraire. Il était important pour elle. Peut-être l'est-il encore ? Je me souviens que c'est un homme marié. J'imagine que la nouvelle était loin de le réjouir. Je glisse une main jusqu'à sa nuque que je caresse puis masse avec légèreté, puis continue à mener la danse. Le silence s'invite entre nous jusqu'à ce qu'elle le brise.

― Je suis désolée, finit-elle par déclarer.

― De quoi ?

― Je n'ai plus envie de parler de lui. Je n'en avais même pas envie.

Elle s'arrête de danser et avant qu'elle ait l'idée de rompre ce moment si intime entre nous, je la bascule en arrière et rapproche mes lèvres des siennes.

― Alors concentre-toi sur moi, lui dicté-je dans un sourire carnassier.

― Je ne veux pas que tu penses que...

Je l'interromps en lui faisant exécuter un tour sur elle-même. Elle glousse et c'est tout ce dont j'ai besoin d'entendre. Quand je la ramène tout contre moi, je la préviens :

― Encore un mot et je serai obligé de faire taire cette jolie bouche.

Elle l'ouvre, j'arque un sourcil de défi et elle éclate de rire. J'ai pourtant perçu son hésitation. Bon sang, j'ai vraiment envie de m'exécuter. Elle croise ses bras autour de mon cou et me sonde du regard. Une flamme de désir illumine ses iris et mon seul désir est d'y succomber.

― Fais-le, me susurre-t-elle.

Son intonation suave, tel l'appel d'une sirène, s'infiltre jusque dans mon bas-ventre alors que je sens le spectre de son ex entre nous. Mais là, je suis incapable de lui résister et je me contrefous des conséquences. Plus nos bouches se rapprochent et plus mon cœur palpite dans ma poitrine. Son téléphone sonne de nouveau. Elle l'ignore, encore. Nos lèvres se frôlent et je suis sur le point de perdre tout contrôle jusqu'à ce que la sonnerie reprend de plus belle. Ses mains encadrent mon visage pour écraser sa bouche contre la mienne et le goût me fruste.

Est-elle animée par le même désir viscéral que le mien ? Ou a-t-elle juste besoin que je lui fasse oublier sa tristesse et sa colère ?

Le doute me ramène à la réalité. Je ne veux pas être une distraction. J'aime trop cette femme pour que toutes nos premières fois ne soient pas inoubliables. Quand je romps notre baiser, je télescope son regard voilé d'incompréhension qu'elle efface par une expression détendue. Elle fait un pas en arrière en ébauchant un sourire... factice, et je la retiens en enveloppant son visage de mes paumes.

La mélodie du bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant