Suite

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Je maudis mes hauts talons qui m'empêchent de courir plus vite. Même si je suis consciente de ma course contre la montre, c'est plus fort que moi, je zieute l'heure et constate que j'ai plus de vingt minutes de retard. Arrrgh ! J'accélère le pas et ma cheville montre sa limite en se tordant. Je reprends mon souffle en m'adossant contre la paroi de l'ascenseur qui monte jusqu'à mon étage. Ma boss m'a accordé toute sa confiance pour ce nouveau gros client qui désire réaménager sa maison de maître à Greenwood, en face d'un magnifique lac. J'ai eu un coup de cœur pour le lieu et me suis laissée happer par ma créativité.

Cela faisait longtemps qu'un projet ne m'avait pas autant passionnée. J'ai planché sur un tas de maquettes, et j'ai fait la différence. J'ai décroché le contrat alors que Rob était sur le coup. Depuis ma grossesse, c'est lui qui décroche les plus gros contrats. J'en suis fière et mon compte en banque m'en félicite. Il me faudra être un peu patiente pour obtenir le bonus, mais ce sera une belle récompense.

Je masse ma cheville, puis mon mollet lorsque les portes automatiques s'ouvrent. Je grimace, mais poursuis mon ascension dans le couloir jusqu'à mon appartement. Quand j'ouvre la porte, je suis accueillie par Ronron. Je le prends dans mes bras et plonge mon nez dans son pelage soyeux tout en me déchaussant de mes escarpins. C'est notre moment câlin qui est interrompu par la voix impatiente d'Evy :

― T'es en retard !

― Je sais. Désolée.

J'avise sa valise dans le couloir et ma bonne humeur dégringole en flèche. Ma petite sœur s'apprête à prendre l'avion pour Atlanta pour reprendre sa dernière année de high school en main. J'aimerais pouvoir la garder auprès de moi. Je pose Ronron au sol et m'avance vers Evy qui tient Tammy dans ses bras. Je les embrasse sur la joue et réalise que c'est la dernière fois avant longtemps. Je m'empresse de les encercler de mes bras.

― On devrait y aller, se plaint-elle.

― Laisse-moi enfiler une paire de baskets et on y va

Je ne bouge pourtant pas ; Evy non plus. On profite de notre dernière connexion. De notre lien retrouvé. La prochaine fois que l'on se verra sera peut-être pour Noël, rien n'est encore décidé.

Elle soupire à regret.

― Je vais rater mon avion, soupire-t-elle à regret.

― C'est pas grave, tu prendras le prochain, plaisanté-je. Ou celui de demain.

Elle me repousse en riant de bon cœur.

― Non, on y va ! T'es flippante avec tes câlins.

― Mais reconnais que tu les adores.

Elle lève les yeux en l'air et j'en profite pour chausser mes New Balance, puis je prends ma luciole dans mes bras. Elle agrippe sa valise en ouvrant la porte de l'entrée, puis finit par m'avouer :

― Je te le dirai à l'aéroport, pas avant.

Je claque la porte d'entrée derrière moi en emportant notre éclat de rire.

Une voix masculine annonce, dans le micro, le prochain vol pour Atlanta. C'est plus fort que moi, une montée de larmes me brouille la vue. Mes clignements de cils ne passent pas inaperçus. Evy me sourit, puis porte son attention sur sa nièce, blottie contre son épaule à moitié endormie. Elle lui confie :

― Je ne suis pas la meilleure tante. Les couches, la bave, les pleurs sont pas trop mon truc, mais quand tu auras besoin de faire la fête, d'avoir une fausse carte d'identité ou des conseils pour plaire aux garçons, tu pourras toujours compter sur moi.

Je réprime un sourire.

― Je vais faire comme si je n'avais rien entendu.

Amusée, elle me fait de gros yeux.

La mélodie du bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant