Le dernier échange

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8 janvier 2022

– « Est-ce que tu viendras me voir quand j'aurai commencé mes études à Malte, l'année prochaine ? me demanda Mademoiselle K.

— En tout cas, ça me plairait, oui... » Dis-je avec une certaine distanciation avant d'émettre un silence dont chaque seconde ajoutait un peu plus de poids à la balance.

Malgré tout ce qui avait pu se passer et qui engendra tout le mal que je ressentais face à cette situation problématique, je n'avais qu'une envie : monter dans un avion et la rejoindre en Andalousie où elle se trouvait actuellement

– « Si je te pose la même question ou plutôt, une question allant dans la même direction, je ne suis pas sûr d'aimer la réponse que tu voudrais bien y donner, lui dis-je

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Je veux dire que je me demande si l'on arrivera à se voir avant, ici, là-bas, ça m'est égal... Viendrais-tu toi ?

— ...

— C'est bien ce que je disais

— Tu sais bien qu'en ce moment, c'est le bordel dans ma vie, dans ma tête... J'ai besoin d'un peu de temps pour me retrouver.

— Et toi tu sais bien qu'un seul mot de ta part me suffirait pour faire tout ce qui est en mon pouvoir pour venir te rejoindre, que je ferai tout pour que tu te sentes heureuse et épanouie à mes côtés

— Je sais tout ça... mais c'est tellement difficile en ce moment... Je sais tout le mal que j'ai causé, mais si tu savais toute la peine que je me suis infligée à moi-même, j'ai besoin de faire le point avant de prendre de bonnes décisions, j'ai besoin de partir loin de moi. »

Cette fois-ci, je sens que la coupe est pleine à ne plus pouvoir y supporter toutes ces allégations. Malgré tout le bien-fondé que je perçois dans sa démarche, je suis éreinté de cette situation qui ne fait que de tourner en rond depuis des mois et puis, la colère commence à gronder sous le poids de mes émotions.

— « Je sens que tu veux dire quelque chose, mais que les mots n'arrivent pas à sortir. » Me dit-elle.

Alors que j'essaye de formuler une phrase, des sons peu audibles et balbutiants sont les seuls qui arrivent à sortir de ma bouche. Je m'efforce à canaliser tout ce mélange de frustration, de colère, de tristesse et de ras-le-bol, mais en vain, je sens que je suis en train de perdre pied face à cette bousculade émotionnelle qui me fait me sentir complètement dépassé.

Il faut savoir que ces derniers mois ont été le théâtre d'une réelle mascarade et dont j'ai souffert plus que de raison en me sentant manipulé telle une vulgaire marionnette. Cela fait trop longtemps maintenant que je me suis mis en retrait parce que je ne voulais pas rajouter de poids sur les épaules de Mademoiselle K., mais en fin de compte, c'est bien elle-même qui s'est mise dans cette situation et qui fait maintenant souffrir 3 personnes.

C'est ainsi que je me repasse toutes ces scènes qui se sont produites depuis ces quelques mois, depuis cette rencontre incroyable survenue pendant l'été, au milieu de deux statues dans une petite église du fond de la Calabre jusqu'au début du mois de décembre, ma réservation pour Barcelone déchirée en mille morceaux lorsqu'elle me dit qu'elle avait besoin de distance après cette forte altercation que nous eûmes. Je n'en peux plus, je dois mettre un terme à cette histoire en guise d'unique réponse à l'énigme qui se trame devant moi depuis bien trop longtemps.

« — Je crois que c'est moi qui ai maintenant besoin de prendre de la distance, et qui vais la prendre une bonne fois pour toutes. Lui dis-je

— ... Je ne suis pas sûre de tout saisir, mais fais ce qui est bon pour toi.

Et, c'est à cet instant précis que j'explose !

— Mais bon dieu, bien sûr que tu ne comprends pas, t'as jamais compris en fait. As-tu compris que depuis le début de ton voyage, c'est juste la situation la plus horrible que j'aie jamais eu à affronter de toute ma vie ? Que je me sens trahi, utilisé tel un assoiffé qui ère en plein désert et qui croit en une belle oasis, victime de cette hallucination dont tu me fais miroiter sans cesse. Avec tout ça, je suis devenu un spectre triste au teint grisâtre, absorbé par ce trou noir béant dans lequel je me fais attirer et ne devenant ainsi, plus que l'ombre de l'homme jovial, drôle et optimiste que j'étais avant. Chaque fois que je m'endors, je fais des cauchemars où je vous vois, lui et toi, me regarder au loin alors que vous vous moquez de moi, avant de me réveiller au cœur de la nuit en étant incapable de me rendormir par après. Je pleure sans raison, mais je dois garder la tête haute et je suis censé garder mon calme quand tu me dis que tu as envie de me voir, mais que ce souhait est juste hypothétique ? J'en ai ma claque d'être brinqueballé, d'être le "my love" un jour et de devoir faire face à des silences de pannes de réseau mystères pendant les deux autres qui suivent, j'en ai ma claque de n'avoir l'impression que d'être là uniquement quand TOI tu ne vas pas bien, après t'être disputée avec l'autre connard ou que sais-je. Et puis par-dessus tout, j'en ai plus que ma claque de jouer au chat à la souris, de faire 2 pas devant avant d'en faire 3 pas en arrière, tu comprends à quel point je n'en peux plus de tout ça ? »

C'est après avoir déballé toute cette hargne que j'avais en moi et dont elle était probablement loin d'imaginer l'ampleur et l'intensité, qu'elle me répond sur un ton sec après quelques secondes d'hésitation voire de stupéfaction.

— Je ne t'ai jamais caché que je n'étais pas prête émotionnellement, je le suis encore moins aujourd'hui. Mais si tu crois que je me joue de toi, je voudrais que tu saches que ça n'a jamais été le cas, j'ai toujours été sincère envers toi. »

La connaissant quelque peu, je sais qu'elle est du genre à argumenter quant à sa position, surtout si elle ne l'estime pas justement attribuée. Cette réponse que je qualifierai de politiquement correcte traduisait ainsi et d'une certaine manière, qu'elle n'avait pas à renchérir puisqu'elle n'était pas en totale odeur de sainteté au sein de cette situation.

Je ne répondis pas. Par contre, je supprimai la conversation ainsi que toutes les photos que j'avais d'elle.

Il me restait une dernière étape, presser le bouton « bloquer le contact » écrit en rouge et traduisant de l'irréversibilité de cette action.

À LA RECHERCHE DE CELUI QUE JE SERAI - TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant