La Guerre de l'Aube et du Crépuscule [Tome 1 : Les prémices d'une guerre]

Chapitre XXI : Même dix ans après

« Le temps ne guérit pas la douleur, il apprend seulement à vivre avec. »

*

Un bandeau azur couvrant ses cheveux et vêtu de ses vêtements civils abimés, Deli arpentait, telle une ombre, les rues du village qui l'avait vu grandir. Pour la première fois de sa vie, le namaïen ne voulait surtout pas attirer l'attention. Il longeait les murs comme le vent, slalomant entre les rues et les ruelles en espérant silencieusement que cette stratégie le protègerait du regard des curieux.

Après son arrivée remarquée, Zown l'avait obligé à se tenir loin d'Alden. ‟Jusqu'à nouvel ordre" avait-il précisé. Même s'il avait furieusement envie de lui désobéir afin d'obtenir des explications de ce Delin - ce traitre - Deli devait avouer que le capitaine Zown Felou avait été plus que conciliant en le laissant participer à la défense de Namaï sans le mettre à pied ou le renvoyer à Numarie pour qu'il y soit jugé devant une cour martiale.

Seulement, aujourd'hui, à quelques jours de marquer le premier mois de cette horrible guerre, l'heure était au recueillement et non à l'affrontement pour le jeune prodigue du village.

Deli déboucha dans la grande rue partant de la place centrale et menant jusqu'au port. Les rares personnes ayant choisi de rester, ou encore plus surprenant, de revenir après l'incendie, s'attelaient à retrouver un semblant de vie normale. Les maisons raisonnablement épargnées par les flammes avaient ainsi été réparées à la hâte pour accueillir réfugiés, Gardiens et soldats. Des soldats, qui d'ailleurs, revenaient du port en marchant tranquillement dans la même rue que Deli.

- ... vraiment incontrôlable ! J'suis prêt à parier qu'il serait capable de recommencer, pouffa un jeune elfe blond à l'armure grise trahissant son appartenance aux forces régulières de l'Askan.

Deli grimaça en baissant la tête. Le jeune homme parlait sans aucun doute de lui. En vérité, il était le sujet de discussion principal du village. L'histoire du gardien ayant pété les plombs avait de quoi faire parler. En un rien de temps, Deli avait réussi à salir son prénom, mais plus grave encore, son nom, son héritage le plus précieux.

- Hé ! Regarde où tu vas ! l'interpela le soldat blond lorsque Deli le bouscula alors qu'il était perdu dans ses pensées.

- Pardon, désolé, murmura-t-il d'une voix qui ne lui semblait pas être la sienne.

Ses mains protégeaient maladroitement son visage comme s'il s'attendait à recevoir un coup alors qu'il cherchait simplement à éviter de se faire reconnaitre.

- Ouais c'est ça. File, s'agaça le soldat alors que ses collègues reprenaient leur route.

Deli ne se fit pas prier. Il s'éloigna aussi rapidement que possible du groupe tout en essayant de ne pas se donner un air suspect.

- Pff... Foutu civil, cracha l'un des elfes dans son dos.

Kayko* de soldats qui se croient tout permis, enragea aussitôt une voix en lui.

Deli se retint de faire demi-tour pour aller les remettre en place. Cela ne lui attirerait que des ennuis dont il n'avait pas besoin. D'autant plus que son objectif était juste là, au coin de la rue, à deux pas du port.

Le petit bâtiment cubique formant l'angle était éventré. Son toit s'était effondré sur lui-même en entrainant quelques portions de murs dans sa chute.

La porte de bois, autrefois tapissée de plantes aux fleurs colorées et odorantes, était à présent calcinée et paraissait prête à se transformer en cendres. Deli poussa la poignée fondue avec précautions alors qu'un grincement affreux attestait de la douleur des gonds.