Chapitre IV : La corde de la liberté

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« Le sang des innocents est toujours le premier à être versé. »

*

Le feu se propageait de bâtisse en bâtisse, rampant sur les plantes murales et calcinant tout ce qu'il pouvait trouver sur son passage. Les habitants paniqués se ruaient vers le port et les champs entourant le village après avoir rassemblé le peu de biens qu'ils pouvaient arracher à l'appétit vorace des flammes.

Sur la petite place centrale, le même affolement poussait les commerçants et clients à détaler loin du marché temporaire fraichement installé, délaissant les étals aux toiles colorées pour sauver les animaux et les enfants apeurés par la vue d'un tel feu.

Au milieu de cette foule paniquée, Deli ravalait son douloureux chagrin en remontant difficilement le flot de personnes. Il ne parvenait pas à percevoir les ordres que criait Zown, noyés dans les cris et les pleurs des civils. Même la voix d'Alden, qui n'était pourtant qu'à quelques mètres derrière lui, n'était guère plus audible.

Tandis que le jeune homme tentait une énième fois de lire sur les lèvres de son supérieur tout en jouant des coudes pour dépasser les derniers habitants effrayés, une petite pointe aux reflets argentés se dirigea rapidement vers lui. Deli se figea lorsqu'une femme tomba sur lui, une flèche aux plumes écarlates plantée dans le dos.

- Archers ! cria-t-il aussi fort que possible tout en tenant l'elfe agonisante à bout de bras.

L'avertissement parut être miraculeusement parvenu jusqu'aux oreilles du blond car celui-ci avait donné l'ordre de riposter. Quatre flèches solitaires s'envolèrent en direction des flammes tandis que les soldats restants dégainaient leur épée.

- Laisse-la ! Elle est déjà morte ! lui cria Alden en le dépassant, arme à la main.

Remarquant qu'il soutenait toujours la femme, Deli la posa délicatement au sol. Sans perdre plus de temps, il sortit sa propre lame, puis se jeta à son tour dans la bataille, ne se souciant plus de la chaleur des flammes faisant rougir sa peau et calcinant les maisons de son enfance alors qu'un voile sombre venait peu à peu les soustraire à la lumière du ciel diurne.

*****

Les pontons de bois grinçaient sous le poids et l'agitation des elfes courant se réfugier sur les bateaux qui allaient prendre le large. Certains sautaient également dans l'eau afin d'échapper à l'incendie ainsi qu'aux soldats dalreniens qui venaient d'entrer dans le port, armés jusqu'aux dents.

Essayant d'aller aussi vite que possible tout en s'efforçant de garder l'équilibre face aux bousculades de nombreuses personnes apeurées, Nyha défaisait les cordes d'amarrage de l'embarcation de son père tandis que ce dernier, qui avait ressorti son ancienne épée, invitait plusieurs amis et inconnus à monter à bord.

- Imia, Nyha, à votre tour, ordonna l'ancien Gardien en faisant monter sa femme sur le bâtiment flottant.

La voile verte se déploya alors que le couple embarquait. Imia se dépêcha de monter sur le pont supérieur pour rejoindre Mynar pendant que Melio tendait la main vers leur fille qui arrivait au niveau de la passerelle. Dans son dos, les soldats avançaient face à quelques courageux ayant pris les armes pour tenter de gagner du temps. En vain. Tous se faisaient massacrer, même si plusieurs assaillants tombaient sous le fer des askaniens.

- Il reste un bout attaché à la poupe ! s'énerva Imia qui venait de prendre le gouvernail tout en inspectant l'arrière du bateau avant de jeter un regard inquiet en direction de son mari.

Nyha, qui venait de poser le pied sur la planche de bois reliant le ponton à l'embarcation, suivit la trajectoire qu'avait formé le regard de sa mère afin d'apercevoir, à son tour, le cordage qui ne devait être qu'à une quinzaine de mètres d'elle.

La Guerre de l'Aube et du Crépuscule [Tome 1 : Les prémices d'une guerre]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant