La Guerre de l'Aube et du Crépuscule [Tome 1 : Les prémices d'une guerre]

Chapitre XXXI : Le sang de la guerre

« Dans une guerre la dette des coupables est toujours payée par les innocents. »

*

Deli arpentait la forêt depuis trois heures maintenant. Flanqué de six Gardiens, il inscrivait une ultime croix sur la carte de papier aux couleurs délavées.

- C'est bon. On peut rentrer, annonça-t-il à son escorte.

Le général n'y était pas allé de main morte pour garantir sa protection, mais aucun des Gardiens chargés de le suivre comme son ombre n'avait été très bavard. Tous préféraient scruter les fourrés avec anxiété et se méfier de chaque bruissement de feuille. Seul le second de Zown - qui avait été l'unique personne à se porter volontaire pour cette mission - avait échangé avec lui par le biais du langage gestuel que tout bon Gardien apprenait durant ses classes.

Deli soupçonnait son supérieur aux cheveux blonds d'avoir demandé à son ami et son second - un lieutenant - de veiller sur lui en son absence. Mais il ne pouvait en être certain maintenant que l'équipe d'infiltration était partie de l'autre côté de la frontière, emportant le capitaine Felou avec eux.

L'envie folle de les rejoindre l'avait mené jusqu'au bord de la Rivière. Il aurait été si simple de traverser cette eau ruisselant à quelques mètres de lui si les six Gardiens n'avaient pas été là. D'autant plus que ce n'était pas pour jouer les déserteurs ou les têtes brulées que Deli voulait y aller, mais par peur pour ses amis. Il voulait s'assurer de ne pas perdre ses frères, la seule famille qui lui restait au milieu de cette guerre.

- Sergent Séria ?

La voix de l'unique Gardienne du groupe le fit sursauter. Son escorte attendait avec impatience qu'il se décide enfin à s'éloigner de la Rivière pour rentrer au village, loin de la terre solaire.

- Oui. Bien sûr, désolé, s'excusa-t-il en rebroussant chemin à contre cœur.

Intérieurement, Deli priait la déesse de l'aider à aller retrouver Alden et le capitaine Felou, mais il savait que sa demande était vaine. Autour de lui, rien ne pouvait l'aider à se soustraire à la surveillance de six Gardiens aux aguets.

Des centaines de pensées, d'idées, de plans pour fausser compagnie à ses collègues tourbillonnaient dans son Esprit lorsque le bras d'un des elfes autour de lui l'obligea à se stopper.

- Qu'est...

Étonné, il se tut lorsque l'homme le lui ordonna en levant le poing d'un geste sec. Deli observa alors les autres elfes de son groupe et constata avec méfiance qu'ils avaient déjà posés une main sur leur arme tandis que le namaïen ne comprenait toujours pas ce qu'il se passait.

Puis, soudain, le bruit d'une brindille se brisant raisonna derrière lui.

Presque imperceptible, Deli le reconnu tout de même et s'empressa de replier la carte qu'il accrocha à sa ceinture pour se préparer à dégainer son épée.

- Rendez-vous Gardiens ! tonna une voix à l'accent mielleux.

Les dalreniens, pesta-t-il in petto.

- Vous marchez sur les terres de nos ancêtres, gronda le second de Zown. Ça serait plutôt à vous de vous rendre, elfes solaires.

- Attention ! l'avertit Deli.

Trop tard. Une flèche siffla et entailla la pommette de l'homme qui avait juste eu le temps de tourner la tête vers lui.

Deli se précipita vers le lieutenant à présent blessé qui tirait, un peu tardivement, l'épée de son fourreau tandis le reste de l'escorte sortait les armes, cherchant la position de l'ennemi et resserrant sa formation afin de protéger le namaïen.