La Guerre de l'Aube et du Crépuscule [Tome 1 : Les prémices d'une guerre]

Chapitre XVII : Un retour fracassant

« Perdre la confiance de quelqu'un est facile, la regagner l'est moins. »

*

Le Cœur lourd, Deli rentrait chez lui. Il avait réussi à intégrer une garnison de soldats partant vers la côte Ouest après avoir prétexté être chargé de les escorter. Face au célèbre écusson de la Garde Askanienne, le lieutenant commandant la section n'avait pas hésité longtemps et avait volontiers accepté la présence de Deli parmi ses hommes.

A présent, la caravane - composée de deux grandes charrettes transportant les soldats impatients - voyait le vaste océan s'étendant au-delà de la côte sur l'horizon.

Devant le groupe, le chef de la garnison et Deli avaient cessé leur discussion, resserrant leur prise sur les rênes de leurs chevaux. Un cri avait déchiré l'horizon quelques minutes plus tôt. Certes, le vent avait très bien pu amener ce hurlement sinistre ainsi que le bruit des combats jusqu'à eux, mais les deux hommes préféraient se montrer prudent.

Deli leva les yeux pour observer un groupe d'oiseau passer au-dessus de lui, désertant la côte. Il était soucieux. Son chemin allait bientôt diverger de celui des forces régulières de l'Askan et il devrait finir son chemin en solitaire.

Inquiété par le fracas des épées et le cri porté par la brise, le lieutenant lui avait demandé si il était certain de vouloir les quitter. Deli avait alors assuré que tout irait bien pour lui et que l'homme n'avait pas à s'en faire.

Foutue fierté, avait-il grondé intérieurement.

Finalement, le moment fatidique était arrivé, et Deli avait fait ses adieux au groupe en donnant des conseils ou des petites taquineries à quelques-uns des soldats avec qui il avait fraternisé durant cette longue route.

Lorsqu'il se décida enfin à quitter la caravane pour galoper vers la petite tache noire qu'était Namaï, le Soleil déclinait lentement dans un ciel commençant à se parer de couleurs chatoyantes. Avec l'aide d'Atrom - le cheval du soldat décédé que le commandant Loftern lui avait finalement confié - il arriva à l'entrée du village lorsque la toile azure flamboyait dans une teinte de rose magnifique.

Exténué, Deli descendit de son cheval - portant le même nom que l'étoile de l'Est qui commençait à briller au loin - pour le laisser se reposer au milieu des autres destriers, certainement ceux des hommes de Zown. Le namaïen prit quelques secondes pour contempler tous ces braves animaux profitant des derniers rayons de l'astre diurne.

- Typhon ? s'étonna Deli en écarquillant les yeux.

Il ne rêvait pas. Le cheval d'Alden venait de hennir à l'entente de son nom. Son propriétaire était donc ici !

Quel kayko ! Il a osé !

Deli fonça furieusement dans la rue principale noircie de cendres, balayant chaque habitation du regard. Voir son village ainsi, méconnaissable, lui brisait le Cœur.

Les odeurs de l'incendie encore présentes, brulaient sa gorge et ses poumons, le faisant tousser alors qu'il atteignait la place centrale accueillant habituellement de nombreux marchands. Les multiples étals aux toiles multicolores avaient laissé place à des décombres et une importante couche de cendres masquant la totalité des pavés gris de la grande place ronde.

Deli ne perdit pas de temps à contempler ce triste désastre et prit à gauche, vers le port. Là-bas, une vingtaine de Gardiens et presque autant de soldats renforçaient des barricades construites à la hâte pour protéger le village d'assauts dalreniens. Zown Felou était parmi eux. Il parlait avec un Gardien que Deli ne parvenait pas bien à distinguer alors que le capitaine lui montrait une zone au Nord.

Ne voyant pas Alden dans les parages, le namaïen se rapprocha du blond avec qui il avait combattu dans l'espoir d'obtenir des explications.

- Capitaine Felou, appela-t-il une fois à portée de voix.

Sa surprise fut immédiate lorsque Zown se retourna, dévoilant le visage de l'homme à ses côtés.

- Alden ! pesta-t-il en fonçant sur lui.

Sans que l'officier n'ait le temps d'intervenir, Deli repoussa violemment Alden, le faisant reculer de quelques pas.

- Deli, calme-toi, le supplia son frère, ses mains devant lui dans une position de protection en voyant le namaïen revenir à la charge.

- Tu m'as fait enfermer à Numaire espèce de Delin* ! enragea Deli en le pointant du doigt alors que Zown vint l'attraper fermement par le bras tout en lui demandant de se calmer.

Pris d'une rage incontrôlable, il se libéra de l'emprise de son supérieur pour venir donner un coup de poing droit dans le visage d'Alden. Ce dernier posa un genoux au sol, sonné par la force du coup qu'il n'avait même pas vu venir.

Autour d'eux, trois Gardiens s'empressèrent de venir aider Zown à maitriser Deli et l'éloigner de sa victime.

- C'est justement pour ça que je ne voulais pas que tu reviennes. T'as pété les plombs ! lança Alden en se tenant le nez.

Du sang coulait entre ses doigts tandis qu'une Gardienne et un soldat l'aidaient à se relever.

Deli se débattait avec rage contre les quatre hommes en armure bleu qui le retenaient. Il ne se contrôlait plus, c'était sa colère qui dictait ses gestes. Malgré tout, il se sentait tiré en arrière jusqu'à sortir de force du port pour être emmené dans une petite maison cubique, identique à la sienne.

Les murs de pierre noircis de cendres, et le mobilier de bois calciné, n'aidait guère à calmer sa fureur mais pouvaient au moins le contenir dans son élan de rage. Son sang bouillait pourtant toujours d'une envie de vengeance alors que Zown lui sommait une énième fois de se calmer. L'officier avait placé un bras devant son cou, refermant son entrave avec son deuxième membre. Il était prêt à resserrer sa prise à la moindre menace ce qui couperait progressivement la respiration de Deli jusqu'à ce qu'il soit mis hors d'état de nuire.

- C'est bon, informa finalement le blond pour que les trois autres le lâchent en même temps que lui.

Chacun s'éloigna avec précaution, se méfiant des moindres gestes du namaïen comme s'il s'agissait d'un elfe solaire.

- On se calme maintenant, d'accord ?

Deli sentit qu'il n'était pas la seule cible de des paroles du blond. Les Gardiens présents se forcèrent, eux aussi, à se contrôler. Leur adrénaline avait dû grimper en flèche lorsqu'ils l'avaient vu agresser Alden. Après tout, ils ne devaient certainement pas s'attendre à ce que leur ennemi soit l'un des leurs au milieu de cette guerre.

- Séria ?

Son regard brulant se tourna vers Zown qui paraissait espérer un mot de sa part qui lui confirmerait que Deli était redevenu maitre de lui même. Seulement, les lèvres du namaïen restèrent closes et l'étincelle dans ces yeux s'embrasa.

*

*Delin : traitre, paria (dans ce cas là)

Hé voilà un chapitre bien joyeux comme on les aime ici (faux) ^^"

Deux frères déchirés dans l'adversité ça fait toujours de la peine :')

Rassurez vous, la semaine prochaines nous prendrons des nouvelles de Nyha :3