Chapitre V

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Les yeux fermés et la conscience ailleurs, je me balance sur mon hamac, je n'entendais aucun bruit et le silence m'était paisible. J'essaye de ne penser à rien d'autre qu'à la tranquillité, mais des doigts humides se posent sur ma peau.

Je garde les yeux fermés, et tente de repousser la personne d'un gémissement grave et de quelques coups de main. Les doigts montent un peu plus haut et ce geste m'alarme, j'ouvre les yeux et aperçois une mouette sur mon bras gauche. Elle me regarde, hébétée, et avance son bec vers moi avant de me ricaner au nez. Le cri rauque était si désagréable que je chasse la bête qui s'envole. Dans mon agitation, je me retrouve la tête sur le sol et les jambes en l'air. Maudite mouette.

Près du compartiment des provisions, les rayons du soleil se faisaient rares. L'obscurité fait obstacle à ma vision. J'inspecte le hamac du dessous. Vide et froid, Pénélope avait dû le quitter depuis un moment déjà. Après inspection, je déduis que je suis seule sur ce bateau. J'ignore où Pénélope à bien pu aller se terrer, les soldats quant à eux ont dû accompagner Azarias et Sept.

Par dessus bord, j'observe les terres de l'archipel des Barbares et je m'étonne en constatant que la mer était verte. Des roches recouvraient les fonds marins. Et aucune espèce de poissons ne rôdait autour du navire.

Je me pavane royalement dans ce gigantesque bateau. En l'absence du capitaine, les activités à faire ici ne manquent pas, je décide donc d'exploiter tout ce qui s'offrait à moi. D'abord, j'enfonce mes ongles dans le bois qui s'élevait au milieu du pont. Le mât du navire était haut et son matériau glissant. J'abandonne très vite l'idée en m'apercevant que je n'étais pas faite pour l'escalade. Moi qui voulais avoir une meilleure vue, c'est raté.

J'enchaîne mes activités. Doucement, je pénètre dans la pièce où se trouvaient les provisions. La pièce était toujours aussi sombre, mais mes yeux se sont facilement accoutumés à cette obscurité. Des cagots étaient posés l'un sur l'autre et certains étaient recouverts d'un drap blanc. Je découvre le tissu qui protégeait le contenant et tombe sur un tas de pomme. Voler n'est pas une chose que j'avais l'habitude de faire, mais le fruit vert me faisait de l'œil, la beauté de ce dernier se joint au grognement de mon ventre, voilà que je cède.

Rapidement, je frotte la pomme contre ma jupe avant d'y enfoncer mes crocs. Son acidité me fait recracher le morceau que j'avais en bouche. Puis un arrière goût sucrée surprend mon palais. Je croque à nouveau, n'y laissant que la queue et les graines que je finis par jeter à la mer.

De retour sur le pont, je me mets à réfléchir à toutes les choses que je rêvais de faire si Azarias n'était pas là. Mais finalement, peut-être n'y a t-il pas autant de choses à faire que je ne l'avais espéré.

Soudain, une idée fuse dans mon esprit. Pourquoi aurais-je besoin d'escalader un mât, pourchasser une mouette, ou rêvasser dans les couloirs, lorsque je peux visiter des pièces interdites à l'équipage.

Décidée, je me précipite vers l'escalier qui menait à l'étage où se trouvait la cabine du capitaine. Le sol des escaliers était mouillé comme si l'on y avait jeté un seau d'eau. Chacun de mes pas émettait un grincement sec et aigu au contact du plancher. La suite du capitaine était bien plus confortable que toutes les autres pièces du bateau. Une odeur familière me parvient aux narines, sans que je parvienne à l'identifier. Des peaux de bêtes jonchaient le sol et des lanternes illuminaient la pièce sombre. Mes bottes mouillées laissent une trace sur l'une des peaux. Je panique et me mets à frotter infatigablement la fourrure. Je réitère le mouvement une dizaine de fois, mais rien n'y fait, la trace de mes semelles y est gravée, à peine perceptible, mais suffisamment pour qu'Azarias s'en aperçoive. Je ne peux pas laisser à cet imbécile la satisfaction de découvrir mon infraction. Je retourne le tissu dans l'autre sens et cache la partie tachée sous une autre peau. Je suis presque certaine qu'il ne se rendra compte de rien.

Le Tournoi de la Couronne - PitosheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant