Chapitre XXII

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Je reste figée pendant quelques secondes. Il ne s'en était jamais pris directement à moi jusque maintenant. L'impression de pouvoir mourir d'une seconde à l'autre me hante. Je croise mon reflet dans la grande vitre de la fenêtre. Pendant un instant, je crois reconnaitre Horace sous les traits du général. Il avait la même posture, la même taille. De dos, ces deux hommes ne font qu'un. Le visage pâle, mes cernes rouges ne m'avaient jamais parues aussi présentes. Ma mâchoire tremblait et je claque des dents pour arrêter cela.

Je n'ai pas peur de lui.

J'ai toujours su comment m'en sortir face à lui. Et cela ne s'arrêtera pas aujourd'hui.

— Je n'en parlerai à personne ! Vous en savez autant sur moi que j'en sais sur vous, gloussé-je, je ne veux pas subir le même sort que les perdants du tournoi..

Je lève lentement les mains en un geste qui se voulait témoin de ma soumission. Un geste qui traduisait, sans l'aide des mots, un accord. Il détend légèrement sa prise sur mon ventre. Il savait, tout comme moi, que je ne résisterai pas. J'étais telle une bête acculée, consciente que son destin était tracé. Il faisait danser sa lame mais n'était pas prêt à s'en servir. Savait-il que c'était un bien trop dur châtiment.

Ses principes étaient clairs. Il ne prenait la vie que des assassins, pas de ceux qui se battent pour survivre. Drum, lui était un prédateur. Son attitude à mon égard  laissait transparaître son comportement de débauche. C'était assez évident que ce n'était pas la première fois que cet imbécile flanchait, c'était probablement la fois de trop, la fois qu'il lui a couté la vie.

Les quatre héritiers, eux, avaient commis l'irréparable. Ils avaient condamné leurs camarades. Ils méritaient de mourir en retour. En tout cas, c'était l'avis de la cour des fidèles.

Ce n'est pas mon cas. Ce soir, je ne fais que me défendre des injustices passées. Comme je l'avais fait avec Horace. Ni le pouvoir ni le sadisme ne m'animent. Dans ce tournoi, je ne suis pas une compétitrice, j'étais une survivante. Il n'a aucune raison valable de m'ôter la vie. C'est une injustice qu'il ne se permettrait pas de commettre. Pas à nouveau. C'était un bourreau, oui, mais pas un homme dépourvu de toute équité. 

— Vous ne comptez pas me tuer.

L'étonnement se peignait sur les traits de son visage. De mon audace certainement. Ses sourcils noirs étaient haussés alors que quelques mèches brunes retombaient jusque ses paupières. Il haletait, si près que la chaleur de son souffle se dépose sur mon visage.

— Je sais que les soldats avaient conduit les héritiers sur plusieurs régions tout autour de l'île de l'épreuve. Ce n'est pas un hasard que je sois tombée dans la même région que Kariad sur l'île. C'était vous, n'est-ce pas ?

Il recule son visage, à une distance plus appropriée, mais ne lâche ni son poignard ni mon épaule. Il se tordait d'envie de céder à ses démangeaisons, je le vois à sa grimace qui laisse apparaître ses fossettes. Il ne semble pas avoir mal ni même souffrir du poison. La situation lui est inconfortable, voilà tout. Il ne me regarde pas dans les yeux, fixant un point au dessus de mon nez, entre mes sourcils pour donner l'impression qu'il le faisait.

— Vous m'avez proposé de fuir le soir du bal, je n'y suis pas parvenue et ensuite je me suis retrouvée avec un corbeau sur l'île. C'était pour avoir un allié avec moi ? Vous vouliez vous venger mais pas au point de tuer une innocente ! Dites moi que c'est le cas, lancé-je d'un ton suppliant.

Discrètement, je glisse la main le haut de mon corps jusqu'à la placer entre l'acier et ma gorge. Je ferme les paupières et recule la tête en arrière. J'espérais m'enfoncer dans le mur pour m'éloigner le plus possible de son arme. J'ignore, à cet instant, son expression, mais il ne fait rien pour m'en empêcher.

Le Tournoi de la Couronne - PitosheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant