Chapitre II

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Le toit de la maison d'Horace n'est plus très loin. Je me suis habituée à dire que c'est la sienne. Mais c'était celle de mes parents, ensuite de Nona et moi avant de lui appartenir.

Essoufflée, pleine de boue et de sang, je ralentis lorsque je réalise que je suis devant le seuil de la porte. Les cheveux ébouriffés, je me tiens immobile telle une statue. Je redoute le pire. Je pense à cet homme que j'ai jeté dans la rivière, sans vergogne. S'il me retrouve, si ses compagnons l'apprennent et me retrouvent, j'ignore ce qu'il adviendra de moi. Je chasse les mauvaises pensées de ma tête et d'un mouvement décidé, j'ouvre grand la porte.

Je tremble malgré moi, et avance tout en scrutant la pièce. Je jette mon regard sur la cheminée, dont les braises mourantes me laissent penser qu'un doux feu brûlait encore il y a peu. La légère brise provoquée par mon entrée fait disparaître l'odeur de la fumée et du bois qui se consume. L'odeur est étrangement agréable à sentir. Je continue doucement d'avancer.
Et à mesure que je m'enfonce dans ce salon, mes bottes chargées de boue émettaient des grincements aigus en rencontrant le sol. Le silence de la pièce amplifiait l'inconfortable contact de mes semelles sur le plancher en bois.

À ma gauche, Horace descend les escaliers. Dans ses mains, ridées par le poids des années, il tient une coupe en metal. À ce moment, j'ignore si je ressens un soulagement ou une déception de le voir sain et sauf. De sa hauteur, il a l'air encore plus vilain.

— Mon enfant, tu es rentrée.

— Monsieur. Je m'incline légèrement et baisse la tête, signe de respect.

Une fois à mon niveau, il pose sa main sur le haut de mon crâne et m'interroge.

— As-tu préparé quelque chose pour le repas ?

— Non... Dehors. Ils s'en... Balbutié-je. Ils s'en sont pris à moi. Je lui montre ma jupe tachée de sang.

Il soupire et prend une gorgée de sa boisson.

— Pénélope t'a déjà demandé de te fier au cycle lunaire. Tu éviterais ce genre de chose si tu étais plus attentive !

— Non ! Ce n'est pas mon sang ! M'écrié-je. Ce sont des explorateurs. Ils ont un navire !

— Petite menteuse, me dit-il d'un ton sec. Ne crois-tu pas que je sais que tu espères me voir mort ?

Est-ce vraiment le moment de s'en prendre à moi ? Je lui voue une loyauté sans faille. Alors que j'aurais pu fuir et me cacher jusqu'à leur départ après tout ce qu'il m'a fait subir.

— Je n'oserais pas. Monsieur. Je le supplie d'une voix tremblante. Je vous en prie, il faut s'en aller.

— Mon épouse attend un enfant. Je n'irai nulle part.

Je sais que Pénélope voulait un enfant, je suis tout de même surprise d'apprendre qu'elle en attend un. Elle ferait sans doute une bonne mère. Elle ne m'a jamais considérée comme sa fille. Mais souvent, elle discutait avec moi. Et puis elle n'a jamais levé la main sur moi. C'est même elle qui m'avait appris à coudre et à cuisiner. Elle n'était pas toujours de bonne compagnie. Exigeante et stricte. Mais je me réjouis de savoir que nous serons bientôt quatre. Il faut à tout prix la protéger.

— Alors soyez un père digne et protégez-le !

— Crois-tu réellement que je me laisserai duper par tes ruses ? Pourquoi n'apprends-tu pas de tes erreurs mon enfant ?

— N'allez pas penser que je suis aussi égoïste que vous ne l'êtes ! Le soldat a—

Il avance vers moi, chaque pas me faisant reculer un peu plus en arrière. Je joue la rebelle, mais en réalité, je tremble de l'intérieur.

Le Tournoi de la Couronne - PitosheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant