Chapitre III

78 15 14
                                    


Nous sommes prises au piège. Le visage de Pénélope s'assombrit, elle ne cache plus ses larmes qui s'abandonnaient sur ses joues et tombaient jusqu'à noyer son petit décolleté. La voir ainsi me fait plus de mal que je ne l'aurais imaginé. Je lui tiens la main qu'elle resserre fortement contre mes doigts abîmés. Je dois tenter quelque chose, qu'importe, nous devons éviter le pire. Fais preuve de courage Artemis, me disait Nona. Je me lance.

— C'est ainsi qu'agissent les chevaliers de la cour du roi ? Attaquer des femmes sans défense. Osé-je demander

— Des meurtrières, vous voulez dire ! Votre tenue ne couvre pas votre crime ! Rétorque l'un des soldats en désignant du doigt ma jupe désormais sèche.

— Nous ne sommes pas des meurtrières, lui dis-je en haussant le ton.

Ils ignorent que ce sang n'est pas celui d'Horace, mais celui d'un des leurs. Bien que je ne sois pas à l'origine de sa mort. C'est l'un des siens qui l'a trahi. Par principe ? Je l'ignore.

J'ai bien remarqué que leurs tenues sont belles et raffinées, que la couture est précise et que le tissu semble être de la meilleure qualité qui soit, néanmoins, il ne s'agit pas là d'une preuve de leur appartenance à une quelconque cour. Et quand bien même font-ils partie de la cour royale. Sont-ils sous l'ordre d'un roi noble et bon, ou d'une bête stratégique et égoïste comme Horace. Sont-ils dignes de confiance ?

Ayant grandi sur cette île, je n'ai jamais entendu parler des affaires politiques de l'extérieur. De l'autre côté de la mer, j'ignore comment est fait le monde.

Pour l'instant, je ne peux émettre aucun avis sur eux.

— Vous vous posez des questions et nous avons des réponses, proposé-je calmement, Pénélope me lance un regard inquiet. Je n'y peux rien, elle devra parler si elle tient à sauver ce qui vit dans son ventre.

— Baissez vos armes, soldats ! Ordonne celui qu'ils appelaient « Sept ». Pourquoi avez-vous tué cet homme. Et pourquoi devrions-nous vous croire ? Nous demande-t-il

— Ma sœur et moi sommes les victimes d'Horace. Nous n'avons aucune raison de le défendre. Il s'en est pris à elle. Je l'ai tué pour la protéger. N'auriez-vous pas sauvé un être cher à ma place ?

Certes, je mentais, mais qui pouvait bien s'en rendre compte ? Pénélope ne devait avoir que quelques années de plus que moi. Et elle est bien trop dévastée pour démentir mes affirmations. S'ils apprennent qu'elle est l'épouse d'Horace, et qu'elle attend son enfant, ils ne l'épargneront peut-être pas. Je ne sais pas à quel point le cristal qu'il avait volé était précieux, mais à en voir la punition qu'ils lui avaient réservée, ils ne la lâcheront pas avant d'avoir obtenu les réponses qu'ils cherchent. Alors, je protégerai son secret, une façon pour moi de racheter ma faute auprès de ce pauvre enfant.

— Et que voulez-vous en échange de vos réponses ? Me demande-t-il en me fixant de ses gros yeux.

— Une protection ! M'écrié-je. Nous voulons quitter cette île et avoir un foyer où nous pourrions vivre en sécurité. 

— Et des terres aussi ? Rétorque-t-il, un titre et peut-être même une place à la cour du roi.

Il laisse apparaître un léger sourire, témoignant de l'hilarité que lui provoque ses propres mots, ou d'un problème de nerfs, éventuellement.

— Ce n'est pas ce que nous avons dit.

L'air irrité, il lève sa main et au même moment, tous les soldats pointent à nouveau leurs armes sur nous. Il est évident que cet homme est habitué à donner des ordres et à ce qu'on lui obéisse. Instantanément, Pénélope recule et se cogne contre la porte de l'armoire encore ouverte. Nous l'avons contrarié, mais il ne semble pas être en colère à cause de notre demande, c'est autre chose, il regarde ailleurs, il regarde mon lit.

— Vous savez, je n'aime pas qu'on se moque de moi. Dit-il la main encore en l'air.

Le Tournoi de la Couronne - PitosheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant