Chapitre XIX

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Nous avons dû quitter le grand arbre les jambes au cou. Fuir, après être parvenus à extraire suffisamment de pierre pour nous quatre. Pourchasser par la folle et son acolyte, nous nous sommes cachés dans un coin calme de la forêt. Je souffrais de mes plaies mais n'osais pas en faire part aux autres, je ne veux pas passer pour celle qui se plaint. Kariad affichait un sourire fier, convaincu que sans lui, nous serions perdus. Et étonnamment, j'étais d'accord. Solvay et moi ne sommes finalement pas parvenus à accéder aux tunnels du balcon. Alors sans Kariad... enfin bref, je m'étonne tout de même qu'il ne nous ait rien dit. Il le savait depuis le début, au moins autant que Solvay. Peut-être n'était-il pas sûr de nous faire confiance. Je n'ai pas la force de lui en vouloir de toute manière. On m'a fait bien pire après tout.
Les quatre étions posés au bord d'une rivière. Ella et moi avions les pieds plongés dans l'eau pendant que Solvay et Kariad s'autorisaient une petite baignade. J'écorche un nouveau morceau de ma robe que je trempe dans l'eau de la rivière pour soigner mes plaies. J'ai un léger frisson en apercevant mon reflet dans les eaux, je n'avais plus rien à voir avec la fille qui était allée au bal la veille.

— Tu viens d'où à Adegar ? M'interroge Ella.

— D'une ile au sud, dis-je d'une voix calme.

— Je me disais bien que je t'avais jamais vue auparavant.

Je m'adosse à un arbre pendant qu'elle se servait d'une brindille comme d'un cure-dent. Les garçons prenaient un air un peu plus sérieux alors que le vent s'adoucissait sur ma peau humide. Nous n'éternisons pas, bien que nous n'aurions pas trouvé un coin plus paisible aux alentours. Il fallait après tout rejoindre le lieu où nous nous sommes éveillés ce matin, avec les pierres en notre possession, c'est là tout l'intérêt de la mission. Alors nous reprenons notre route, dans un silence qui traduisait la fatigue accumulée au cours de la journée. Sans nourriture, avec seulement quelques gorgées de l'eau amère de la rivière pour nous rafraichir. Ce n'est qu'après de longues minutes que nos souliers s'imprégnaient du sable marin. Kariad, le premier, courait vers l'étendue d'eau qui marquait l'horizon. Solvay, derrière lui, marchait comme si le temps n'était plus compté. Allongées au sol, les yeux rivées sur les nuages qui parcouraient le ciel. Nous attendions que les minutes s'écoulent et que le soleil disparaissent. Je n'avais qu'une chose en tête, retourner à Adegar, probablement arracher les yeux d'Azarias et m'enfuir avec Pénélope et l'enfant qui est en elle. Mais une idée honteuse s'échappe de mes pensées au point qu'elle devenait bien trop bruyante pour que je l'ignore : je rêvais secrètement de poursuivre le tournoi, je rêvais secrètement de gagner le tournoi.

— T'es pas fichue d'ouvrir les yeux !

Je me lève en sursaut alors que la voix aussi douce qu'effrayante d'Ella brulait mes oreilles.

— Éloigne toi de là, crie-t-elle plus fort en direction de Kariad, vas sécher plus loin, quelle idée d'aller nager dans un moment pareil.

Je m'étais assoupie. Suffisamment longtemps pour que les lumières du soleil ne soient plus que des reflets oranges, prêts à nous quitter d'une minute à l'autre.

— Et on est censé faire quoi maintenant ? Reprend Solvay.

Sa voix était plus dure que celle à laquelle j'étais habituée, pleine de reproche.

— Maintenant ? On prie pour qu'aucun autre soldat ne nous trouve, dit Kariad amusé.

Ella s'en pince les lèvres et je raidis en voyant le regard foudroyant de Solvay. Un regard qui, d'une manière ou d'une autre m'encourage à prendre la parole :

— Plus sérieusement Kariad, que devons nous faire maintenant.

— Oui Kariad, poursuis Solvay comme s'il n'attendait que mon intervention pour parler, tu n'as pas jouer franc-jeu avec nous, comment savais-tu pour les pierres ?

Le Tournoi de la Couronne - PitosheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant