Chapitre XVI

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Voilà notre accord : nous porterons toutes les deux cette robe. Cette nuit, Pénélope et moi serons la même personne. Le masque doré ne viendra pas seulement cacher les yeux de Pénélope, il cachera aussi les miens. Ce soir, il n'y aura pas plus de Pénélope que d'Artemis.

— Ça me convient, souffle-t-elle d'un air approbateur.

— Veux-tu y aller en premier ? Demandé-je.

Elle hésite un instant comme si elle attendait ma permission, puis elle hoche discrètement la tête.

— Allez, fais toi belle, dis-je en lui lançant un sourire.

Elle me sourit en retour et en quelques minutes, elle était habillée et coiffée. Elle s'était décorée les cheveux d'une tresse qui recouvrait le haut de son front et allait d'une oreille à une autre. De longues mèches rebelles échappaient d'une part et d'autres de la tresse tandis que le reste de ses cheveux étaient entièrement lâchés en arrière. Je ne trouve pas de mal à reproduire la même coiffure qu'elle, bien que ses cheveux étaient plus clairs que les miens, si l'on ne fait pas attention, c'est un détail qui peut échapper. Elle enfile rapidement la robe bleue que nous avions reçue.

— Trop serré ! Soufflait-elle en desserrant le corset.

Il faut croire que son ventre s'était rapidement arrondi. Pas suffisamment, mais assez remarquable. Je prends un repose-pied sur lequel je m'assois en attendant qu'elle soit prête. Une fois le corset serré confortablement, elle s'approche de moi et me tourne le dos pour que je le noue. Elle retourne ensuite vers le tiroir d'où elle en sort le masque doré qu'elle apporte à son visage. Elle était ravissante. De longues manches bouffantes recouvraient son bras. Le bas de sa robe était d'un bleu obscur qui me faisait penser aux rideaux de la pièce. Elle garde ses souliers noirs qui n'allaient pas avec sa tenue, mais qui prêterait attention à des chaussures ?

— Comment me trouves-tu ? Demande-t-elle.

— Magnifique, répond-je.

Elle avance vers le miroir de la pièce et se regarde à son tour. Elle pose ses mains sur son corset et tente de refaire monter sa poitrine. Son masque doré, qu'elle arrange, se mariait parfaitement aux quelques étoiles dessinées sur les bordures de sa jupe.

— Je ferai vite, dit-elle en quittant rapidement les lieux.

Je n'ai plus qu'à attendre son retour. J'espère simplement qu'elle ne se fera pas remarquée, et qu'elle ne tardera pas, elle était du genre à oublier ses engagements. Et je n'ai pas envie de rater mon premier bal, probablement le seul.

Le temps me parait long. Je trouve quelques moyens pour me distraire. D'abord, j'allais regarder la ville depuis le balcon. Ensuite, je tirais tous les tiroirs de la pièce, par simple curiosité. Quelques fois, je sortais la tête de la chambre, espérant entendre de la musique. Je finis par me laisser tomber sur une chaise près du balcon. Et alors qu'une légère brise me donne quelques frissons, je vois un bout de papier au sol, là où se changeait Pénélope. Je m'approche et le ramasse. Artemis y était écrit et un petit fil en pendait. Je réfléchis un instant et me demande si ce papier ne venait pas de la robe, le fil était de la même couleur que son tissu. Mais ici, tous les tissus sont bleus, c'est comme s'ils n'avaient que du fil bleu pour tisser leurs rideaux, robes, toges et tapis. S'ils le pouvaient, ils peindraient sûrement leurs murs et statues en bleu ! Je ne suis sure de rien et ne peut pas émettre de conclusions fondées sur des hypothèses aussi maladroites. Nona m'aurait tiré les oreilles si elle était là.

De toute manière, aujourd'hui, ce qui est à moi est à elle. Alors je déchire ce bout de papier en morceaux, ce n'est désormais plus qu'un tas de flocon que je laisse tomber par-dessus le balcon. Je me demande tout de même pourquoi mon nom était écrit sur ce papier. Et si cela n'avait pas un lien avec Horace.

Le Tournoi de la Couronne - PitosheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant