Chapitre XX

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La cérémonie était sur le point de débuter sur la grande place de la capitale Adegarienne. Le peuple s'était réuni. Hommes, femmes et enfants regardaient entrer les prétendants au trône. L'air semblait manqué dans nos poitrines, alors que nous faisions notre entrée sur les grandes marches qui menaient vers la place centrale.

Tous les héritiers qui concourraient au tournoi, quels qu'ils soient défilaient dans une tenue bleue pâle. Une urne dorée était installée au centre de la place. Les visages apeurés du peuple me glaçaient le sang, je voyais aisément le reflet de mes pensées dans leurs regards froids. Les nôtres étaient recouverts d'un voile en dentelle et chaque pas que nous faisions faisait résonner la cloche du désespoir qui rythmait les battements de nos cœurs. J'aimais à penser que je n'étais pas la seule à être prise de terreur et à me demander ce qui était sur le point de se passer. Le climat ne m'aidait pas, nos légères robes laissaient parcourir l'air frais de la nuit sur notre peau nue.

Il semblerait que nous soyons sur le point d'être jugés. Je suivais machinalement les pas des héritiers qui me précédaient dans une file dont je ne voyais pas le bout. Les nerfs de mon cerveau me paraissaient sur le point d'exploser alors que les questions infiltraient mon esprit dans un mouvement de vas et viens. Qui passera la première épreuve, qui continuera la course vers la couronne ?
Je savais à peu près où je me situais dans cette course. L'échec de la vieille s'était imprimé sur mes paupières. Un procès public et une humiliation certaine m'attendaient. Je n'apercevais aucun visage familier, pas même celui des monstres que je méprise.

Quelques images se frayaient un chemin dans ma tête sans que je ne parvienne à les situer chronologiquement. Je me voyais dans une pièce obscure, puis sur une plage désertique. je peine à me rappeler de ce qui s'était passé, j'ai ensuite le souvenir de m'être faite habillée par ce qui ressemblait à une femme. Les images s'imbriquaient mais ne signifiaient pourtant rien, j'avais l'impression de m'être réveillée d'un rêve tordu.

Des anneaux embrassaient mes chevilles, j'étais attachée comme une prisonnière. Une chaîne grise et froide me reliait aux autres descendants. Nous avons ensuite été conduits jusqu'ici. Le nom de Pénélope s'arrache à mes lèvres sans qu'aucun son ne puisse en sortir. Je le répétait encore et encore, comme des prières que l'on espère voir exaucées. Une voix en moi me dit qu'elle est en sécurité, elle s'est toujours débrouillée pour l'être. Mais je n'en était pas moins inquiète.

Mon corps refusait tous les ordres que je lui donnais, je ne pouvais ni quitter la file ni même bouger la tête. Mes mouvements étaient dictés par une autre personne que moi. Aucune rébellion ne me semblait possible et j'enrage à l'idée d'être traitée comme un animal. Je ne voyais aucune explication à ce qu'on nous asservisse de la sorte. Pourquoi nous exposé ainsi devant le peuple, pourquoi nous trainer jusqu'ici après avoir embrouillé notre esprit. C'est ainsi qu'ils traite les héritiers de la couronne tant qu'ils n'ont pas de joyau sur la tête ?

L'écho des tambours accompagnaient notre marche avant que nous nous réunissions en une ronde humaine qui se formait autour de l'urne. Derrière nous, des chevaliers de la cour bloquaient le passage, faisant ainsi reculer le peuple qui nous huaient à pleine voix, leurs cris échappaient du plus profond de leur gorge. Nous pouvions entendre scander « imposteurs ! » en chœur et de manière répétée. Ils n'avaient plus de roi, voir une nouvelle personne accéder au trône les effraie. La pression que Princia exerce sur Adegar s'étend jusqu'à terroriser le peuple. L'absence d'un souverain libère leurs inquiétudes, il était certes celui qui garantissait la paix et leur sécurité. Qui que nous soyons, même si le sang d'Adegar coule dans nos veines, même si nous étions sacrés par la reine elle même. A leurs yeux nous ne sommes que la menace d'une guerre, le symbole d'un futur échec, il vouait une loyauté sans faille à un roi qui aujourd'hui n'est plus. Gagner leur confiance représente à elle seule une épreuve, peut-être plus ardue que toutes les autres. Seul le vainqueur sera capable d'aspirer la loyauté et la tranquillité à son peuple, celui qui portera la couronne sera celui qui guérira les maux du pays.

Le Tournoi de la Couronne - PitosheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant