Chapitre XXI

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Il devait être minuit. Je m'étais assurée de ne pas être suivie et il m'a fallut un temps fou pour passer inaperçue avec tous ces gardes dans le château. Depuis la cérémonie les allers et retours ne cessaient plus. De grands seigneurs avaient fait la route depuis les quatre coins d'Adegar pour y assister, et en attendant leur départ, le château les loge.

Sous le costume noir des Corbeaux, je m'infiltrais dans le bâtiment nord plus facilement que ce que je pensais. Les chevaliers de la garde royal étaient trop occupés pour faire attention à un pauvre corbeau du capitaine. Les fidèles étaient en plein conseil, le chemin n'avait jamais été aussi libre.

Je ne suis pas une voleuse. Mes principes sont parfois... discutables, certes. Mais le vol est une ligne que je ne franchis pas. Enfin c'est ce que je pensais, jusqu'à ce que je me surprenne à faire le plein d'herbes dans la serre du château...
Meredith me maudira jusqu'à ma mort si elle s'en aperçoit. Elle se servira de mes yeux comme d'un engrais pour faciliter la pousse de ses plantes, et mes entrailles seront décorées quelque part dans ce chaleureux endroit pour faire office de trophée.

Ces images tranchantes dans mon esprit ne m'intimident pas. Non pas que je sois désormais insensible à la mort ou à la torture, mais je la voyais mal me faire ce genre de chose. Je l'imagine plutôt me concocter un tas de boissons, comme son fameux thé au ginseng.

La serre me paraissait plus grande que la dernière fois. Comme si on s'attendait à utiliser deux fois plus d'herbes, à concocter deux fois plus de remède. La tente était deux fois plus large et certaines plantes avaient déjà atteint leur maturité, et d'autres même avait atteint le plafond de verre, ce qui devait être dû à la magie de Meredith. Je remplie mes poches de gingembre, de quoi soulager les nausées et vomissements. J'arrache quelques feuilles de menthe poivrée ce qui pourrait soulager d'éventuels maux d'estomac. Mes yeux se jettent sur d'autres herbes. Plusieurs spécimens m'étaient inconnus, je ne prenais pas le risque de les approcher sans les avoir étudiés au préalable.
Je quitte rapidement la tente pour rejoindre la bibliothèque à l'étage supérieur, où travaillait habituellement Meredith. J'espérais y trouver du ginseng, je manquais cruellement d'énergie, je ne me souviens pas à quand remonte mon dernier repas. Je n'étais pas capable de poursuivre mon plan ainsi. Hélas, Meredith cachait son ginseng bien plus que tout le reste.

Après avoir monté quelques marches de son interminable escalier, je me dirige vers ses tiroirs et je crois reconnaître des feuilles de framboisier séchées. Ces dernières étaient connues pour avoir des propriétés très interessantes concernant les muscles utérins, en bref elles seraient idéales pour préparer à l'accouchement, je n'hésite pas un instant et en saisit quelques unes.

Mes manières avaient changé depuis mon arrivée à Adegar, et cela ne me rendait pas fière. Dans les faits, elles avaient changé depuis plus longtemps que cela. Le jour de la mort d'Horace, quelque chose avait changé en moi. Je ne pouvais plus être asservie. Je ne pouvais plus le laisser me faire du mal. Je préfère me dire que c'était mon instinct de survie. Que n'importe qui aurait réagi de la meilleure des manières.

Ce qui me détruit le plus, c'est que je perçois en moi aucun remord. Pas l'once d'un regret que l'on m'arracherait au coeur. A chaque fois que j'ai rejoué cette scène dans mon esprit, j'avais réagi exactement de la même manière. Encore et encore. Parfois même, j'enfonçais mon couteau plus profondément.

Des plissures s'entassent sur mon front, portées par mes sourcils froncés. Tout a changé, il fallait s'adapter en conséquence.

Aller voir Meredith et lui demander gentiment de me prêter des herbes pour ma soeur enceinte et qui n'est en réalité pas ma soeur... autant creuser sa propre tombe.

Le Tournoi de la Couronne - PitosheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant