Chapitre XIII

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Je me repose sur le bord du balcon, contemplant le pont où s'élevaient au loin les premières lueurs de l'aube. Je regardais ce même pont qui nous avait conduit jusque ce château quelques heures plus tôt et qui m'avait semblé si grand, mais de ma hauteur, il était devenu insignifiant : plus nous prenons de la hauteur et moins le reste n'a d'importance. Je baissais le regard vers la porte d'entrée, où se trouvaient deux chevaliers qui surveillaient la grande entrée alors que mes mèches noires coulaient sur les balustrades, je n'avais pas remarqué qu'ils avaient autant poussé.

— Que fais-tu ? me demande une voix dispersée.

Pénélope se dévoile sous les dernières étoiles de la nuit, et comme à son habitude, elle était radieuse, si rayonnante qu'à ses côtés le soleil en perd de sa lumière. Elle portait une longue robe en étoffe dorée. Je n'avais pas en ma connaissance, sa possession d'un tel vêtement. Pieds nus, elle s'avance délicatement, et chaque pas qu'elle faisait me laissait deviner à son expression la sensation froide qui s'installait sur la plante de ses pieds. Elle grimace et en un bond atteint mon niveau avant de se placer à mes côtés en regardant à son tour le paysage, par-dessus la balustrade.

— Tu n'as pas beaucoup dormi, on dirait.

— Et toi ? Lancé-je.

Elle ne répond pas, mais son silence en dit plus que ses mots. Je retourne à mes observations, persuadée que quelque chose allait survenir. Je m'étonne néanmoins de voir les lueurs de l'aube disparaître, comme s'il allait faire nuit à nouveau. Je pense manquer de sommeil, notre long voyage n'était pas de tout repos et me voilà à m'en priver. La tête baissée et dans une voix éraillée, je demande à Pénélope d'où lui venait sa nouvelle robe.

— Horace me l'a offerte, dit-elle, il m'a aussi apporté ce bijou.

À son cou, pendait le collier de ma mère, le même collier qu'Horace avait détruit sous sa semelle, il était désormais intact. Le cristal n'avait jamais été aussi brillant. Entre ses doigts, elle tortillait le bout de la pierre tout en l'éloignant pour mieux la voir.

— Pénélope, Comment ? Cet objet ne t'appartient pas ! Osé-je protester.

— Ah oui ? Demande-t-elle, mais à qui appartient-il alors ?

— Il appartenait à ma mère, Horace me l'a arraché et l'a détruit.

Son expression se teint en noir, ses gros yeux marron s'assombrissaient à l'évocation de cette vérité.

— Alors comment expliques-tu qu'il est accroché à mon cou ?

— Il n'a pas pu te le donner, je l'ai... Hésitante je crache enfin : je l'ai tué après qu'il l'ait détruit, il n'aurait pas pu te l'offrir !

— Qu'as tu fais ? Tuer mon mari, toi ? Me demande-t-elle dans un pouffement de rire.

Je lève un sourcil et recule d'un bond à la vue de sa robe qui était maintenant tachée d'un rouge sang. Et cette image me refait penser à mon propre reflet le jour où j'avais ôté la vie du maître. Ce miroir de vérité me saisit de ses mains et me plaque contre le mur de plâtre.
J'essaye de dire quelque chose, mais rien ne parvient à sortir si ce n'est que l'espoir d'un souffle, emprisonné par les mains de Pénélope. Pourquoi ? Est-ce que j'aurais aimé être capable de demander, mais au fond de moi, j'en connaissais déjà la réponse. Alors je me débats, comme un poisson hors de l'eau, aucun son ne parvient à se faire entendre et une chaleur atroce parcourt chacun de mes membres. La sensation de ses mains étranglantes sur ma peau me raidit le corps alors qu'elle serrait sa poigne. Je ne lui connaissais pas une force pareille. Mais bientôt, je succombe et le visage de celle qui, à force de ruse, était devenue ma sœur, s'inscrit pour la dernière fois sur mes paupières.

Le Tournoi de la Couronne - PitosheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant