BONUS

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ÉRIS

61 ans plus tard

– ... après nos mésaventures et un voyage de plusieurs années, nous nous installâmes au trou du cul du monde, dans un chalet construit par nos soins, heureux comme jamais.

Les yeux humides, je referme le livre, le cœur gonflé d'un sentiment aussi puissant que destructeur. Un fin sourire relève mes lèvres, comme à chaque fois que je relis ces mots et cette histoire que je connais sur le bout des doigts.

– Et voilà comment l'histoire se termine, j'annonce avec la hâte de quitter la pièce pour le rejoindre.

La petite fille qui me fait face m'observe dubitative dans une moue qui me fait drôlement penser à celle de sa mère. Du haut de ses dix ans, Olivia Lewis est d'une intelligence hors norme. Je ne sais pas ce qui m'a pris de lui lire cette histoire, mais ça me tenait à cœur qu'elle apprenne à le connaître comme moi je l'ai connu. J'ai envie qu'elle sache ce qui nous est arrivé et à quel point le monde peut être aussi brutal que merveilleux.

– Alors papi a été tueur à gages ? demande la petite fille, ne croyant visiblement pas un mot de ce que je viens de dire.

Son manque de crédulité manque de me faire lever les yeux au ciel.

– Papi a été une des victimes de ton arrière-grand-père. C'était lui le méchant, pas papi.

Non. Il n'a jamais été le méchant de l'histoire. Au contraire, du début à la fin, il a été mon ange gardien.

– Et pourquoi me la raconter maintenant ? J'aurais voulu garder un meilleur souvenir de papi...

Le fin sourire qui bordait mes lèvres disparaît peu à peu, ne laissant qu'un terrible sérieux.

– Tu sais chérie, même si je ne valide pas tout ce qu'il a fait durant cette période de sa vie, il a su se racheter. Il n'est plus le tueur qu'il a été depuis plus de soixante ans. Il est devenu un homme merveilleux. C'est pour ça que je t'ai raconté cette histoire. Pour que tu comprennes à quel point son passé n'a pas déterminé son avenir. Nous avons su avancer.

Il faut qu'elle comprenne. J'ai besoin que quelqu'un puisse raconter notre histoire encore et encore pendant plusieurs générations lorsque je ne serais plus là. J'ai envie qu'elle voit mon Nash comme je l'ai toujours vu. Il le faut.

– Tu es amoureuse, bien sûr que tu ne le vois pas autrement, me répond ma petite fille.

Sa remarque me tire un rire plein de tristesse et de peine. L'envie de pleurer me prend comme chaque fois que je repense à tout ça. Je n'ai qu'une hâte, aller retrouver Nash.

– Ton grand-père a été la meilleure chose qui ne me soit jamais arrivée. Il m'a épaulé dans les pires moments, m'a aimé quand j'avais besoin d'être aimé et il a fait de moi une femme heureuse. Nous avons eu un magnifique enfant ensemble qui vous a eu ta sœur et toi. Il serait tellement fier de voir la personne que tu deviens. Une personne qui n'a pas froid aux yeux

Parler en son nom me serre le cœur. J'aurais aimé qu'il soit présent pour le lui dire lui-même, pour raconter cette histoire avec moi. On aurait dû le faire, main dans la main.

Lili semble comprendre que je défendrais jusqu'à ma mort notre histoire puisque son visage exprime de la compréhension ainsi que de la compassion. Là, dans l'une des chambres du chalet, s'apprêtant à dormir, elle me regarde comme si elle voyait enfin au-delà des barrières que j'ai érigées autour de moi pour cacher ma douleur.

– Il te manque, pas vrai ? me demande-t-elle.

Nash avait tort concernant la mort. La douleur ne s'atténue pas avec le temps. Mon cœur me fait toujours aussi mal que la première fois.

The Hunt of FreedomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant