CHAPITRE 20

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ÉRIS

Du chocolat, du fromage à raclette, des livres, des croquettes, des jeux de société, des sous-vêtements. Je fais l'inventaire du chariot que je tiens devant moi avec la certitude qu'il me manque quelque chose. Ça fait trois jours que je négocie jour et nuit avec Nash pour qu'il me laisse venir avec lui lors des courses et je suis enfin parvenue à le faire céder. À force d'être sur son dos, j'en suis moi-même venue à m'agacer, mais j'ai bien fait de tenir puisque me voilà dans un immense supermarché. Qui aurait cru qu'une ville se trouvait à quelques minutes de route de notre forêt ? Pas moi, ça c'est sûr.

Après avoir reposé le string rose fluo dans le cadi, je me souviens enfin de ce que j'ai oublié. De quoi faire des cocktails. J'ai trouvé un bouquin de recette dans le rayon livres et je suis certaine que me prendre pour une barmaid fera passer le temps qui devient de plus en plus long. N'ayant jamais bu d'alcool de ma vie, je vais pouvoir y remédier.

Je me dirige alors vers le rayon des alcools et ouvre le livre sur une page au pif. Le Sex On The Beach. En voilà un nom de cocktail intéressant. Heureusement il n'a pas l'air très compliqué à réaliser alors je prends de la vodka et les jus de fruits nécessaires, le tout sous le regard fatigué de Nash.

Il ne m'a pas lâché une seconde depuis le début des courses et alors que je déambule aléatoirement à travers les rayons, il continue de me suivre à la trace en traînant des pieds. Aussi étonnant que ça puisse paraître, lui qui a retrouvé sa langue ces derniers jours semble l'avoir de nouveau perdu et n'a pas l'air de vouloir questionner mes choix de produits. Peut-être parce que c'est finalement avec mon argent que nous payons tout ça, toutefois je le soupçonne de faire encore la gueule. Bien qu'il a accepté de me laisser l'accompagner, il n'en est pas ravi pour autant. Il est resté catégorique jusqu'à tout à l'heure, déterminé à ne pas me laisser venir, comme s'il me cachait quelque chose. C'est d'ailleurs quand je lui ai fait cette remarque qu'il a cédé en disant que j'étais casse-couilles.

En posant les bouteilles dans le cadi déjà rempli, je me demande si je peux prendre autre chose. J'ai déjà des tas d'activités qui vont m'occuper les prochaines semaines et avec les dizaines de livres que je viens d'acheter, je suis presque sûre que ma folie va finir par me ruiner. Mieux vaut être raisonnable. Je pense avoir tout ce dont j'ai besoin (ainsi que quelques suppléments).

– J'ai fini ! j'annonce en chantonnant.

Je me tourne vers Nash qui a encore le dos tourné, à la recherche d'une personne suspecte qui pourrait nous suivre. Il finit par m'accorder toute son attention et après un hochement de tête, il me donne un coup de cul et me prend le chariot des mains.

En nous dirigeant vers les caisses, il est tellement pressé que je dois trottiner à ses côtés pour ne pas être à la traîne. Ses réactions d'homme impatient me font rire, surtout après l'avoir contraint à me suivre durant toutes les courses. Le pauvre a dû m'observer lire chaque résumé de chaque livre qui était présent. Il a même dû départager certains d'entre eux parce que je ne savais pas lesquels prendre et il a également dû m'écouter répéter en boucle que c'est la première fois que je fais les courses de ma vie. Le seul moment où il a pris la peine de me laisser seule, c'est lorsque je suis allée me chercher des sous-vêtements. Apparemment, son investissement dans sa mission de ne pas me laisser sans surveillance a des limites. Dommage, j'aurais adoré voir la tête qu'il aurait fait lorsque je lui aurais demandé quelle couleur il préférait. Bon sang, ça aurait été tellement drôle. Le pauvre a déjà l'air soucieux et pas serein depuis que nous avons quitté le chalet et je suis certaine qu'il aurait frôlé l'AVC s'il m'avait suivi.

– Tu veux voir autre chose ou on y va ? je demande doucement.

– On peut y aller, répond-il.

Son corps est tendu à l'extrême, il serait peut-être préférable que je prenne les choses en main à la caisse pour ne pas paraître suspects. Nash a le comportement d'un mec qui a des choses à se reprocher. Il ne cesse de regarder derrière nous comme si quelqu'un allait nous sauter dessus et son arme est visible à travers son manteau. Elle est assez bien camouflée, mais si on fait attention, on voit parfaitement les formes du flingue. D'une certaine manière, je suis rassurée qu'il soit en mesure de nous protéger à tout instant, néanmoins j'ai l'impression que tous les regards sont sur nous. Il n'y a pourtant pas beaucoup de monde dans le magasin vu l'heure très matinale. Tout dans l'attitude de Nash attire l'attention sur nous.

The Hunt of FreedomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant