CHAPITRE 16

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NASH

8 ans plus tôt

La nuit n'est tombée que depuis quelques heures quand je reprends mon post. Marshall, un homme d'une quarantaine de piges, me remplaçait le temps de mon entraînement avec le reste du groupe et de mon repas. Je suis maintenant rassasié et épuisé tandis que je me positionne devant la porte, le dos droit et les bras derrière le dos. Sans un mot ni même un regard, le vieux bougon quitte le couloir et me laisse seul. Seul face à cette porte close.

J'ai pour mission de rester planté ici et de surveiller ce couloir jusqu'au lever du jour. Ça va être long. Très long. Surtout que cette chambre est la seule qui se trouve dans ce couloir. Il n'y aura donc aucun passage. Rien qui ne me divertira assez pour rester entièrement éveillé et sur le qui-vive.

En quatre années depuis que je travaille pour le patron, pas une nuit ne passe sans que je ne garde cette porte. Ce sont les ordres. Le temps de faire mes preuves et de gravir les échelons. Alexander dit qu'il place beaucoup d'espoir en moi. C'est peut-être pour ça qu'il m'entraîne personnellement au moins trois fois par semaine. Il me pousse hors de mes limites, m'apprend à agir en étant fatigué, m'apprend à me battre alors que mon corps est épuisé et ne coopère pas, et surtout, il m'apprend à ne plus remettre mes actes en question. Ce dernier point est le plus important. Pour faire un tel métier, il faut agir, pas penser. La conscience est notre pire ennemie alors le mieux à faire est de laisser sa conscience et sa morale de côté pour se concentrer sur le taf qu'il y a à faire. De toute manière, Alexander ne cesse de le répéter, je suis né pour tuer. C'est une seconde nature pour moi.

C'est le destin qui m'a placé sur sa route. Je dois m'estimer chanceux.

Je meurs d'envie de m'appuyer sur la porte pour que mes jambes n'aient plus à porter mon corps. L'entraînement a été dur et mon adversaire, Ryker, n'y va jamais de main morte. Il tue mon corps au fur et à mesure de nos entraînements et je sais qu'il y prend un malin plaisir. Son sourire pervers ne cesse jamais de me narguer.

Un bruit venant de la chambre me sort de ma rêverie et je me redresse, me demandant ce qu'elle peut faire à l'intérieur. Malgré toutes les nuits que je passe ici, je ne lui ai encore jamais adressé la parole. En même temps, j'ai interdiction de le faire. Elle est traîtresse à Alexander alors elle est mon ennemie. Mon travail est de m'assurer que personne entre ou sorte de cette pièce, elle également. C'est sa punition pour se rebeller continuellement. Elle doit rester enfermée ici, tout le temps. Et moi, je représente les barreaux de sa prison. Comme le dit Alexander, mon job est primordial pour faire comprendre à cette ingrate comment sont traités les conspirateurs. Moi, je suis celui qui la garde enfermée tandis que son père fait son possible pour la remettre sur le droit chemin.

C'est beau de voir un père s'inquiéter pour sa fille et prendre soin d'elle. C'est honorable de sa part et elle devrait le traiter avec plus de respect. Il me le dit parfois que ça le blesse que des hommes qu'il connaît à peine ont plus de fidélité que ses propres enfants. Ça doit être très dur.

Un nouveau bruit retentit dans la pièce avant que je n'entende l'eau de la douche couler. Ne devrait-elle pas dormir à l'heure qu'il est ? Quel âge elle doit avoir déjà ? Onze ans ? À onze ans on se couche à vingt heures non ? J'ai du mal à me souvenir de l'heure à laquelle je me couchais à son âge. Alexander ne cesse de me conseiller d'oublier ma vie d'avant, lorsque je n'habitais pas encore au manoir mais chez mes traîtres de parents. Il a raison, si je veux avancer dans la vie, je dois avant tout me concentrer sur l'avenir et pas sur le passé.

Les premières minutes de ma garde se transforment rapidement en une heure, puis en une heure et demie. Je m'ennuie et meurs d'envie de me reposer contre cette porte et contre ce mur, néanmoins je tiens bon et reste aussi droit qu'une poutre. Alexander pourrait être fier de moi de ne pas céder. Plus aucun son ne me parvient de la chambre depuis quelque temps alors je présume que la fille dort. Je suis donc seul avec ma propre personne.

The Hunt of FreedomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant