The Hunt of Freedom

CHAPITRE 36

Le moment après-sexe n'a rien de gênant ni d'embarrassant. Il se constitue essentiellement de câlins et de baisers volés. Nash ne m'a pas lâché et c'est à peine s'il a pris le temps de se retirer de moi pour jeter la capote. Aussitôt débarrassé d'elle, il nous a enroulés dans les draps trempés de notre sueur et a continué de me caresser les cheveux sans un mot.

Jamais nous n'avons été aussi proches émotionnellement. Ce que nous venons de faire nous a à la fois libérés de toutes nos barrières, mais il a également éclairci ce qu'il se passait entre nous. Il n'est plus question d'un jeu. Ce que nous ressentons est réel.

Vu sa respiration calme et régulière, je pourrais croire qu'il s'est endormi si ses mains ne continuaient pas de me caresser. Il y a un tel apaisement entre nous que j'ai du mal à croire que Nash se montre sous cet angle. Lui qui passe son temps à se comporter comme s'il était Hunter ne m'a que rarement habitué à le voir si... humain. Les émotions ne sont pas évidentes pour lui alors plutôt que d'utiliser des mots, il utilise des gestes, des attentions et son regard.

Nous ne savons pas ce que nous sommes l'un pour l'autre, mais à quoi bon mettre des mots dessus ? Nous ne savons pas ce qu'est l'amitié, l'amour, les relations ou quoi que ce soit d'autre. Nous sommes simplement nous, Nash et Discorde, deux âmes qui avançaient jusque-là sans chemin précis en tête. Mais nous nous sommes trouvés et maintenant c'est à nous de voir ce que nous voulons faire de notre vie.

Demain, nous réfléchirons à la suite et à ce que nous allons faire pour nous sortir des griffes d'Alexander, mais en attendant je veux profiter de la désinvolture de la situation. Je ne veux pas replonger dans le monde sombre que nous venons de quitter pour la soirée. Demain sera un autre jour, mais ce soir est ce soir.

Je sens Nash gigoter contre moi et ses lèvres se posent sur mon front.

– Comment s'est passée ta première fois ? me demande-t-il doucement.

Toujours enroulée dans ses bras, je sens sa poitrine se gonfler d'une grande respiration avant de se dégonfler.

– Ma première fois avec toi ou ma vraie première fois ?

Je le sens ricaner sous moi.

– Loin de moi l'envie de discuter de mes performances sexuelles, mais si tu as quelque chose à dire, je t'en prie. Non, je voulais savoir pour ta vraie première fois.

Ça remonte à plusieurs années maintenant et elle ne m'a pas autant marqué que ce que je viens de faire avec lui. J'ai l'impression que je viens de me réveiller d'un long coma et de reprendre enfin vie. Nash me donne la même sensation qu'une bouffée d'air frais après une longue apnée.

– La prison dans laquelle m'enfermait Alexander à l'époque était tellement étouffante que lorsqu'il me laissait un tant soit peu de liberté, je ressentais le besoin de me rebeller et de partir dans les extrêmes pour me sentir contrôler ma vie et surtout pour me sentir vivante. J'ai donc fait un paquet de connerie durant les quelques années où il m'a laissé aller au lycée. Je n'avais pas énormément d'amis et en réfléchissant, je ne sais même pas si Hélios a un jour déjà été mon ami, mais chaque fois que j'ai eu le plus besoin de lui, il a été présent malgré les risques que représentait le fait de traîner avec moi. Même après plusieurs années sans le moindre contact, il a répondu présent lorsque j'ai eu besoin de ses compétences de hacker pour te retrouver donc il faut croire qu'il était ce qui s'approchait le plus d'un ami. À l'époque, c'était la première fois que quelqu'un s'intéressait à moi autrement que pour s'attirer les bonnes grâces de mon paternel alors j'ai sauté sur l'occasion. J'ai pensé à moi et à mon besoin de me rebeller sans même me soucier que je n'étais pas amoureuse de lui et que je n'avais pas vraiment envie de coucher avec lui. Mais nous l'avons fait et il a été génial. C'était la première fois que je me dénudais devant un homme qui n'était pas présent pour me tabasser, alors ce soir-là m'a plus que jamais émancipé d'Alexander parce que je retrouvais enfin le contrôle de mon propre corps. Je me sentais puissante.

Je ne regrette pas cette histoire. Je ne sais même pas si je changerai quoi que ce soit si j'en avais la possibilité. Le simple fait d'avoir pu m'évader de ma vie de merde pendant plusieurs heures a été une belle expérience. Je suis reconnaissante d'avoir pu trouver du soutien lorsque je me pensais seule.

– Et qu'est-ce qu'il s'est passé ? me demande Nash en se doutant que l'histoire ne se termine pas ici.

– Le lendemain, en sortant des cours, il s'est fait tabassé et est resté trois jours dans le coma.

Je le sens se tendre sous moi, mais il ne fait pas le moindre commentaire. En même temps que dire ? Je n'ai aucune idée de comment cette histoire a pu arriver aux oreilles d'Alexander, mais il n'y a qu'un taré comme lui pour faire tabasser l'amant de sa fille par ses hommes. Après ça, je n'ai plus jamais osé avoir le moindre rapport avec qui que ce soit. Je me suis simplement coupée du monde.

– Et toi ? je finis par le questionner. Comment était ta première fois ?

Je suis curieuse de connaître la réponse. Je ne ressens pas la moindre once de jalousie à l'idée qu'il ait pu avoir des rapports avec d'autres femmes et connaître cette partie-là de sa vie m'intéresse vraiment. Comment un homme qui n'a jamais laissé personne s'approcher de lui a-t-il pu faire sa première fois ?

– Rien de très glorieux. Lors d'une mission pour ton père, j'ai dû m'infiltrer à une soirée organisée par un gang de motards et pour que ma couverture soit crédible, j'ai dû incarner le rôle du motard accro au cul ainsi qu'à la bière et me taper la première brebis qui est passée sur mon chemin. J'ai agi comme si je savais ce qu'était le sexe et le simple dégoût de me trouver là-bas m'a aidé à tenir plus de cinq secondes. Après ça, je n'ai jamais remis l'autorité de ton père en question. Je pensais que j'étais tombée sur un boss correct qui ne me laisserait pas tomber dans la même débauche que ces types. Je lui étais tellement dévoué qu'il m'a fallu longtemps avant de me rendre compte de tout ce que j'avais perdu à cause de lui.

C'est triste. Il n'a eu aucune enfance, ni la moindre adolescence. Il a découvert les plus belles choses de la vie par la perversion et l'horreur. Après ça, ce n'est pas étonnant qu'il s'est mis à l'écart du monde et n'a laissé personne s'approcher de lui. Je sais ce qui est arrivé à son père et la raison pour laquelle il a retrouvé ses esprits face aux manipulations d'Alexander alors je me doute que ça a dû faire un choc de prendre conscience de toute cette merde qu'on lui a fait subir pendant toutes ces années. Il a perdu presque dix ans de sa vie et durant toute cette période, on a essayé de le changer en monstre. Je comprends mieux pourquoi il persistait à vouloir me protéger de lui et à me rappeler qu'il n'était pas un homme bon.

Finalement épuisés, plus personne ne parle et je sais qu'il ne s'attend pas à ce que je lui pose plus de questions sur son passé. Il me dévoilera ses secrets et ses cauchemars lorsqu'il sera prêt et je ne compte pas le forcer à se dévoiler à moi après cette soirée. De toute manière, je suis trop épuisée pour me lancer dans des conversations bouleversantes.

En ne me lâchant que d'une main, Nash éteint la lampe de chevet et me reprend dans ses bras. Je me décide alors à poser la question qui va mettre certaines choses au clair.

– Que sommes-nous l'un pour l'autre ?

– Je ne sais pas, me répond-il avec honnêteté.

Je me fiche de savoir ce que nous sommes réellement en fait. Ce que je veux savoir, c'est ce qu'il prévoit pour la suite. Parce que quelque chose a changé dans son regard et que toutes nos barrières ont volé en éclats. Mais je me demande si Nash est prêt. Est-il prêt à m'offrir ce que je désire ? Est-il prêt à oublier notre passé en nous laissant une chance ?

– J'ai envie de plus, je murmure en déposant un baiser sur son torse-nu.

Ses bras se resserrent d'autant plus autour de moi.

– Moi aussi Éris. Moi aussi.

Il pose ses lèvres sur mon front et pendant un instant je pense qu'il ne va jamais les décoller. En tout cas, il ne semble pas en avoir envie.

– Alors ne me laisse pas. Peu importe ce qu'il se passe par la suite, ne m'abandonne pas. Je t'en prie.

Je me déteste de me sentir obligée de le supplier, mais Nash est devenue une constante dans ma vie. Je me suis trop attachée à lui pour qu'il m'abandonne. J'ai besoin de savoir qu'il va rester auprès de moi et que notre cavale ensemble n'est qu'une partie du long chemin que nous allons faire.

– Plus jamais, me répond-il. Une fois a déjà été la fois de trop.