CHAPITRE 14

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Puisqu'il ne dit toujours rien et se contente de baisser le regard face à moi, je soupire en essuyant mes larmes puis me détourne pour retourner dans la chambre, le cœur en frac après avoir remué tous ces souvenirs.

Au moment où je m'apprête à monter la première marche, il prend la parole d'une voix tellement basse que je me demande si elle ne vient pas de mon imagination.

– J'ai hésité à t'emmener en partant.

Son aveu me fait l'effet d'un coup de massue et je me retourne, perplexe.

– Pourquoi tu ne l'as pas fait ?

Je ne sais pas à quoi aurait ressemblé ma vie s'il m'avait emmené avec lui en quittant le manoir, pourtant s'il m'avait laissé le choix, je l'aurai suivi les yeux fermés. Parce que j'aurais donné n'importe quoi pour quitter le manoir. J'aurai vendu ma propre âme pour ne plus jamais remettre les pieds là-bas.

– Qui sait ? Par égoïsme ? Par peur de me retrouver avec ton frère et toi à la charge ?

– Tu aurais dû. Parce que maintenant, je suis niquée. Même après ton départ, personne n'a jamais levé le petit doigt pour m'épargner. Et aujourd'hui je suis dans cette situation et Lucas est... Lucas est fichu.

Maintenant, c'est à moi d'être égoïste de lui en vouloir de ne pas m'avoir embarqué avec lui. Cette discussion me fait comprendre que plus d'une fois il a eu mon destin entre les mains. Nash aurait vraiment pu me sauver à maintes reprises. Pourtant ce n'est que douze ans après notre rencontre qu'il accepte enfin de m'aider. Mieux vaut tard que jamais dit-on, mais j'avoue que j'aurai donné la lune pour que ça arrive plus tôt.

– Désolé, murmure-t-il.

Je rêve où il vient de s'excuser ? Je crois que je suis en train d'halluciner.

Il semble être sincère et son embarras est plus qu'évident.

– J'ai envie d'oublier le passé et d'avancer, je lui avoue, mais pour l'instant je suis bloquée ici avec toi, alors la moindre des choses qu'on pourrait faire est d'essayer de s'entendre.

Je suis certaine que si on arrêtait de se reprocher nos malheurs et qu'on assumait enfin que nos situations ne dépendent pas de l'autre, nous pourrions enfin tourner la page pour en ouvrir une nouvelle. Ce n'est pas de la faute de Nash s'il m'est arrivé tout ça, tout comme ce n'est pas de ma faute s'il a décidé de m'aider.

Heureusement, lui non plus n'a pas l'air d'avoir envie de se battre puisqu'il hoche la tête, résolu à cesser nos chamailleries. Je suis convaincue que la vie en cohabitation dans ce chalet sera meilleure si nous nous entraidons au lieu de nous enfoncer. Surtout que nos survies dépendent de l'autre. Nous sommes dans le même bateau.

Je finis par me calmer et au lieu de remonter dans la chambre, j'avance à nouveau et m'assois par terre, devant le canapé, où lui aussi se rassoit. Les battements de mon cœur martèlent ma poitrine et mes doigts tremblent légèrement, pourtant je reste. De toute manière, je viens de fondre en larmes devant lui alors il comprend bien que ce sujet est sensible.

Après un temps de silence interminable durant lequel nous plongeons la tête dans nos tasses de chocolat chaud pour nous remettre de cette dispute, Nash finit par reprendre la parole d'une voix rauque.

– Tu as tort sur un point. Je n'ai jamais su ce qu'il se passait à l'intérieur de cette chambre.

Je relève le regard vers lui, pas certaine de la manière dont je dois réagir.

– Je ne te crois pas, je dis doucement.

Je sais qu'il était derrière la porte. Je sais qu'il entendait mes hurlements et mes pleurs. Il ne pouvait pas faire le sourd alors que les coups pleuvaient dans la pièce. Même quand il a commencé à seconder Alexander et qu'il ne gardait plus ma porte, il devait savoir que mon enfer continuait.

The Hunt of FreedomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant