Une vie en exil

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Alors que je cueille des feuilles de mandragore, comme mon père me l'a demandé, j'entends des pas précipités dans mon dos. Je souris en découvrant mon petit frère, Ben.

— Némé ! Némé ! crie-t-il en courant vers moi, suivi de près par notre mère, Olyana.

— Revient par ici ! Ben !!! le supplie-t-elle.

Je m'accroupis pour attraper ce petit monstre. Il n'a beau avoir que trois ans, Ben est très rapide. Je me redresse avec lui en nous rapprochant de notre mère.

— Pourquoi lui courrais-tu après ? demandé-je tout en caressant les cheveux blond de mon frère

Je lève les yeux vers ma mère mais en voyant son regard, je les rabaisse.

Ma mère n'est pas le genre de femme qu'on fixe longtemps droit dans les pupilles, surtout si on veut rester en vie.

— Ton frère s'est enfui, car il refuse de prendre son bain. Rends-le-moi donc, que je m'en occupe ! exige-t-elle

Elle accompagne ses gestes à la parole, en tendant les bras devant elle. Elle traite toujours mon frère comme si il n'était qu'un objet et bien que je n'aime pas ça, je me tais.

Au vue de l'heure, j'imagine qu'elle veut lui donner son bon. Or je sais que mon cadet n'aime pas être baigné, et encore moins quand c'est elle qui lui donne. Elle le lave simplement sans l'occuper. Avec moi ou mon père, c'est différent. Nous faisons mousser le savon et créons des bulles pour l'amuser.

— Je peux le faire si tu veux.

— Ne dit pas de bêtises, Nemerys. Tu prends toujours un long moment pour le lui donner. Je préfère m'en charger, ainsi, nous pourrons manger avant le lever du soleil.

Je ne relève pas l'ironie dans son timbre de voix. Plus jeune, je m'interrogeais beaucoup par rapport à nos interactions. Je ne trouvais pas ça juste de me sentir délaissé par ma mère. Pour une raison qui m'échappe, elle ne m'a jamais témoigné trop d'amour, mais suffisamment pour que je ne devienne pas sans cœur. Avec le temps, j'ai fini par arrêter de me poser des questions. Olyanna est ainsi et ne changera pas.

— Si tu as fini de cueillir les feuilles, rapporte-les à ton père.

Elle prend mon frère de mes bras puis se détourne pour rentrer dans notre maison. Je soupire en reprenant mon panier et en constatant que seulement la moitié est remplie.

Je ne comprends pas pourquoi les mandragores ont eu du mal à pousser cette année. Il faudrait que j'en touche deux mots à mon père. Il aura surement une idée.

En entrant dans la maison, je remarque que mes sœurs sont toutes deux en train de finir leur devoir sur la table de la salle à manger. Bien qu'aucun de nous n'ait eu le droit d'aller à l'école, notre père a insisté pour nous faire lui-même école. Je lui en suis reconnaissante. Sans ça, on ignorait beaucoup de choses. En les observant faire, je me fais la remarque que d'ici quelques mois elles seront à mon niveau en matière de connaissances.

Je continue ma route dans le couloir pour dévoiler la porte qui mène au sous-sol, verrouillée par la magie. Je lève alors la main vers celle-ci. Dès que les paroles quittent ma bouche, je sens que mon sort fonctionne par de légers picotements. Ces derniers se propagent de mon cœur jusqu'à l'extrémité de mon bras. Mon père a jeté un sort à cette porte quand j'ai débarqué ici. Il ne voulait pas que je joue avec des objets potentiellement dangereux. Il est très protecteur et axé sur la sécurité. Peut-être un peu trop même.

En arrivant en bas de l'escalier, je le trouve, comme bien souvent, debout en train de concocter une potion. Je m'approche de l'étagère sans faire trop de bruit. Je sais qu'il doit se concentrer pour bien doser ses ingrédients. J'attrape le bocal vide avec l'étiquette « mandragore » et y verse ce que j'ai pu récolter en le replaçant. J'en profite pour vérifier que rien ne manque sur les étagères.

Underblood TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant