« Le bonheur est une anomalie. Il dure si peu qu'il faut le chérir, et très peu arrivent à assumer son côté éphémère »
Arémétria, la Gardienne de la dixième tribu.
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Il faisait brumeux ce matin-là sur les abords du port. La boue recouvrait légèrement le pavé des routes, et les maisonnettes en bois au toit de tuiles cassées semblaient couvertes d'un voile de brume. Le jeune garçon de neuf ans marchait à travers l'air frais avec plaisir. La fin de l'hiver et la transition vers le début du printemps étaient sa période favorite, surtout au lever du jour. Le marché de Port Nuo se trouvait près du phare, le seul bâtiment visible grâce à la lumière projetée de son sommet. Le Port avait connu un essor ces dernières années. Capitale de la Baronnie Orion, ce village fortifié était le point principal d'échanges et de rencontres de l'île sur laquelle il se trouvait. Situé à l'Ouest de l'île, le port était constamment bercé par le bruit des vagues qui venaient se briser sur un ponton en pierres lourdes. Près du port et des entrepôts du quai, une petite place couverte d'étoles était le marché à ciel ouvert de la ville. La plupart des artisans et des agriculteurs vendaient leurs produits dans ce marché. Le quartier résidentiel abritait l'Église de la déesse de la Justice Tori, et son beffroi, une construction en blocs de granit taillés et polis couronnée de créneaux, avait une allure imposante et dominait les tuiles cassées des maisons et les chaumes défoncés des masures. Tous les matins, les sentinelles ouvraient les grandes portes boisées aux fermiers qui vivaient loin de la ville mais venaient gagner leur vie. Le garçon profitait de ce moment pour descendre la colline et lui aussi venir récupérer les courses dont les serviteurs du Baron avaient besoin pour cuisiner. Le dernier quartier situé au Sud-Ouest était le quartier des pauvres et des tavernes. C'était là que les marins trouvaient de l'alcool et des femmes pour se contenter. Les locaux n'ayant d'autres choix que de vivre là car le loyer n'y était pas cher. Tout ce beau monde partageait amour, bagarre, boue, chansons et rires dans une ambiance conviviale. Ils n'avaient pas grand-chose, mais il y faisait bon vivre, et surtout les gens pouvaient rêver d'un meilleur lendemain. L'enfant traversait le marché comme s'il le connaissait par cœur et se dirigeait vers le même commerçant qu'il voyait tous les deux jours. Il trottait doucement la tête haute, les épaules relevées entre les différents étals qui commençaient à se couvrir de produits. Élancé, le visage sévère, le front haut, le nez busqué, les pommettes saillantes, le garçon semblait beaucoup trop mature et sérieux pour son jeune âge. Son visage était entouré de cheveux blonds fins et ondulés. Il venait toujours très tôt pour discuter avec le moins de gens possible. Ce n'était pas parce qu'il était timide ou craignait la foule, mais plutôt parce que parler avec les marchands ou les autres enfants du port se révélait toujours déplaisant. Il arriva devant un homme mince aux traits rugueux vêtu d'une simple tunique verte et rapiécée. L'homme le reconnut aussitôt, et décocha :
- Bonjour le Bâtard, la même chose que d'habitude ?
- Bonjour monsieur, oui comme d'habitude, s'il vous plaît.
Bien que le marchand ait été malpoli envers lui, il répondit de la manière la plus neutre possible comme pour prouver qu'il n'était pas affecté. Le marchand sourit et lui tendit un sac en papier dans lequel se trouvaient des œufs et des légumes frais. Le Bâtard avait évidemment l'habitude de ce type de traitement, c'est pourquoi il venait au marché très tôt. Il prit le sac des mains du marchand et partit sans un autre mot. Il zigzagua rapidement entre les gens qui arrivaient au marché tandis que le soleil commençait à être plus haut dans le ciel et le voile de brume se dissipait légèrement. Sortir du centre-ville ne lui prit que quelques minutes, il commença à se diriger par les chemins de campagne qui menaient au haut de la colline. Le dirigeant de Port Nuo, Clef Orion, habitait dans un manoir surplombant la ville et le Bâtard était un domestique travaillant pour ce dernier. Il était un petit aristocrate du Royaume de Burr. Ce pays se composait d'un ensemble d'îles se trouvant au Nord du monde de la planète Albion. Composé d'un peu plus de cent îles, le royaume avait toujours été considéré comme sous-développé et peu intéressant comparé au reste du monde, la découverte de minerais précieux avait changé la donne pour cet état inutile.
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Seis: Les Ruines du Vent
Science FictionUn jeune batard vit dans les royaumes pauvres et désolés du Nord de la planete Albion. Il n'a presque rien, mais un coup du sort l'envoie en prison pour un crime qu'il n'a pas commis.. Il n'a d'autres choix que de devenir plus fort ou mourir. Il au...