Chapitre 2: Complot (Partie 3)

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Le contact de la jeune fille lui permit de se stabiliser. Il lui fallut quelques minutes pour calmer sa respiration et pour que le rêve lui semblât moins vivide. Il regarda à nouveau la jeune fille. Elle avait le visage creusé par la famine ou la maladie, les lèvres blêmes et le teint blafard, seuls ses yeux noirs semblaient pleins de vie. Sous sa tunique de prisonnière, il devinait un corps mince et filiforme. Il pouvait la distinguer grâce aux quelques rayons de soleil qui transperçaient les planches de la cale du bateau. Il expira à nouveau et lui dit :

- Merci, j'ai fait un cauchemar.

- Je m'en suis doutée, les gens hurlent rarement dans leur sommeil quand tout va bien. Si tu as peur, tu n'as qu'à le dire à ta grande sœur.

- Ma grande sœur ?

- Ben oui, moi. On est en route pour les mines. T'es un petit gars qui a peur. Tu vas avoir besoin d'une grande sœur.

- Il ne chercha pas à s'y opposer. Il était encore sous le choc, et le mot sœur l'attendrit immédiatement. Il parvint juste à répondre dans un murmure :

- Merci.

- Mais de rien, mon petit bonhomme. J'ai un petit frère à Port Nuo qui m'attend. Protéger les petits gars comme toi, c'est normal.

Elle lui décocha son plus beau sourire. Elle n'était ni laide ni belle, mais elle était pleine de vie. Il se demanda ce qu'une fille aussi joviale qu'elle faisait sur ce bateau. Ils étaient attachés par des chaînes à une barre métallique à une trentaine de centimètres du sol. La cale était capable d'accueillir une cinquantaine de prisonniers. Il avait devant lui un vieil homme qui semblait respirer avec difficulté, et derrière lui la jeune fille. Il s'appuya le dos sur les murs de la cale. La voix chaude de l'adolescente lui parvint aux oreilles.

Je m'appelle Babeth. J'ai quinze ans. Et toi ?

- Tu viens de Port Nuo, tu sais qui je suis, répondit-il avec nonchalance.

- Oui, je sais que tu es le Bâtard du Baron et que t'es sensé avoir comploté contre ton père et ta sœur.

- Donc pourquoi ta question ?

- Parce que tout le monde au village sait que t'es juste un serviteur, fils de serviteur, et qu'il n'y a aucune raison que tu tues tout le monde au manoir.

- Vraiment, les gens du village pensent ça ?

- Pas tous, mais beaucoup de gens ne font pas confiance au Comte Henri, la famille royale, ce sont tous des chiens, dit-elle avec hargne.

- Il eut un sourire. Il était bien d'accord. Le visage d'Henri apparut dans son esprit. Mais il n'eut pas peur, il imagina juste ses doigts lui écraser les yeux. Babeth le tira de ses cruels fantasmes.

- Alors ?

- Alors quoi ?

- Petit frère, comment tu t'appelles ?

Il hésita, personne ne l'avait appelé par son prénom depuis la mort de sa mère. Alors qu'il ouvrait la bouche pour répondre. Le haut de la cale s'ouvrit d'un coup. La lumière leur brûla les yeux, et tous les prisonniers râlèrent d'une seule voix. Deux gardes descendirent les marches en bois en faisant craquer les moulures. Ils apportaient une grande caisse. Des raclements de gorges satisfaits se firent entendre. Les gardes distribuèrent alors des petites gamelles d'eau et des quignons de pains rassis. Le tremblement de son estomac lui fit comprendre qu'il n'avait pas mangé depuis longtemps. Il se tourna vers Babeth, qui prenait de toutes petites bouchées. La bouche pleine, il demanda :

Seis: Les Ruines du VentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant