Une vie de château

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La forteresse royale

Depuis l'agression,

Depuis que le jeune prince l'avait violenté, Rowena n'était plus sortie de cette chambre qu'on lui avait attribuée. Vivant sa vie par procuration, regardant la cité royale continuer à tourner à travers cette immense fenêtre qui illuminé sa prison dorée. Il n'y avait qu'à travers celle-ci précisément qu'elle pouvait voir un tel spectacle. Après tout, la ville princière était l'unique nid de ptérodactyle apprivoisé et Bellamy le dernier à les chevaucher depuis la mort de son oncle Edmund, le grand héros.

Chaque matin, ces créatures typiques de la nouvelle royauté s'envolaient gracieusement dans le ciel, leurs ailes déployées capturant la lumière du soleil levant. Leurs cris aigus se mêlaient au vent, créant une mélodie sauvage qui résonnait à travers la cité. Ils semblaient tellement libres.

Leurs cris annonçaient généralement le temps des entraînements bien matinaux des maîtres dinosaures. Chaque matin, ces séances d'entraînement étaient un rappel vivant de la relation unique qui unissait les humains et les dinosaures. Les maîtres dinosaures étaient respectés et vénérés, et leurs compagnons leur obéissaient avec une loyauté inébranlable. À Terraxia, cette croyance était encore plus ancrée, le mineur n'était rien sans son vélociraptor, le soldat sans sa monture... Partout où l'homme allait, le dinosaure était une aide indispensable.
Cependant, malgré toute la beauté de ces moments, Rowena ne pouvait s'empêcher de ressentir un pincement au cœur. Malheureusement, parfois, à travers sa fenêtre, elle apercevait également Darian alors qu'il déambulait dans les jardins du palais. Chaque fois que ses yeux se posaient sur lui, une sensation de nausée l'envahissait. Les souvenirs douloureux de leur rencontre se mêlaient à la colère qu'elle éprouvait envers lui. Comment pouvait-il continuer à vaquer à ses occupations comme si de rien n'était, alors qu'il était responsable de sa détresse ?

Chaque fois qu'elle le voyait, l'image de son visage arrogant et cruel lui revenait en mémoire. Les paroles qu'il avait prononcées, les gestes brutaux, tout cela restait gravé dans son esprit. Elle se demandait comment elle pourrait jamais coexister dans la même ville, voire dans le même monde que lui. Comment pouvait-il continuer à respirer librement ? Chaque fois qu'elle le voyait, la colère bouillonnait en elle, mêlée à un sentiment d'impuissance. Elle aurait voulu qu'il ressente ne serait-ce qu'une fraction de la souffrance qu'il lui avait causée, mais il continuait à mener sa vie sans se soucier des conséquences de ses actes.
Alors, Rowena se retrouvait souvent à détourner les yeux, préférant la vue des soldats bienveillants envers leurs montures, lui rappelant sa maison qui n'était plus sienne, car bientôt elle ne serait plus la lady de Terraxia.

Si Darian préférait les promenades, Bellamy lui participait aux entraînements. Sa silhouette était reconnaissable entre mille soldats, non pas par ce ptérodactyle qui le suivait comme son ombre mais par ce qu'il se mouvait avec une telle aisance dans son armure en or. Son frère venait continuellement le taquiner, elle était spectatrice de leur complicité écœurante depuis plus d'une semaine et elle ne pouvait s'empêcher de se demander si elle survivrait à cette union, si elle supporterait que le frère de l'homme qui l'avait détruite la touche à son tour. Elle se sentait si souillée et insultée par la proposition qu'avait osé faire la reine. Elle n'avait que faire de savoir ce que pouvait bien penser son fiancé de cet arrangement. Surement rien, puis ce que celui-ci n'avait même pas daigné lui adresser un mot, jamais.  Contrairement à son père, qui la visitait régulièrement.

— Tu n'as qu'un mot à dire, qu'un seul, et je mettrais fin à ces fiançailles absurdes. J'enverrai une missive à ton frère, le dépêcherai d'arriver avec nos hommes...

— Surtout pas, en aucun cas, vous entendez, il ne doit savoir.

Le seigneur de Terraxia menaçait d'exploser à chaque instant. Le mal était fait et Rowena portait sur ses épaules le risque qu'à tout moment les choses ne s'enveniment. Alors qu'au plus profond d'elle-même, elle ne souhaitait qu'oublier, elle était la seule à pouvoir temporiser cette situation et par la même occasion éviter que quelqu'un ne se fasse tuer. Même si elle aurait, avec grand intérêt, contemplé la tête de ce Darian, prince ou pas, au bout d'une pique. Rowena était raisonnable.

PAR TOUS LES HEROSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant