Dinovallée
Voilà plusieurs jours qu'Abi découvrait ce nouveau monde stupéfiant au côté d'Alexander. Ils traversaient Dinovallée et ses champs sans le moindre souci. Sur les routes, ils avaient croisé de nombreux dinosaures tous plus impressionnant les uns que les autres. Elle ne pouvait s'empêcher de penser à la tête qu'aurait fait Samuel en découvrant tout ceci. Il profiterait de chaque instant pour examiner le moindre animal de ce continent, vérifiant les hypothèses scientifiques. Ses yeux brilleraient. Sûrement qu'il tiendrait un carnet pour ne rien oublier, voir une dizaine. Mais au final, elle le savait, lui aussi aurait cherché à rentrer à la maison. Là-bas, son père l'aurait enfin reconnu à sa juste valeur, il aurait fait la plus belle découverte du siècle et encore, c'était peu de le dire. Mais Samuel était mort.
À travers ses yeux, il verrait.
Au loin, elle aperçut un petit dilophosaure, ce lézard connut pour cracher son venin dans les yeux de ses victimes. Est-ce que les scientifiques avaient vu juste ? Elle préférait ne pas vérifier. À l'aide de son couteau, elle entailla le bois de leur charrette.
— Je peux savoir ce que tu fabriques à détériorer notre unique moyen de transport ? demanda Alexander qui tenait les rênes de Teantrex.
Abi rangea son couteau à sa ceinture et toucha le bois du bout des doigts, une vingtaine d'entailles s'enfonçaient marquant le nombre de dinosaures différents croisés.
— Je me demandais, elle hésita, nous n'avons pas croisé d'autres tyrannosaures...
— Heureusement, s'esclaffa-t-il. Crois-moi, il ne vaut mieux pas en croisé.
— Alors comment se fait-il que tu aies pu en domestiquer un ?
— Je l'ai acheté au marché noir de Saurium quand il était dans sa coquille, on m'a prévenu qu'il pourrait devenir sauvage une fois adulte mais ma fille avait toujours eu une fascination pour ces prédateurs.
Avait ? Ce n'était pas la première fois qu'il parlait d'elle au passé.
— Que lui est-il arrivé ? À ta fille ?
Alexander se tue, elle était allée trop loin. Ce n'était pas par curiosité malsaine, mais elle avait besoin de savoir, de connaître tous les dangers de ce monde.
Le silence se fit alors pesant. Abi prit place à l'arrière, dans l'idée de se reposer un peu. Cet univers débordant de danger ne lui laissait pas le temps de respirer, encore moins de réfléchir, c'était donc le moment où jamais dresser le bilan. Les rugissements de la tempête de sable demeuraient son dernier souvenir distinct. Et même à ce stade, elle doutait de la réalité se demandant si son cerveau ne lui jouait pas des tours. L'incertitude planait également quant à la marche à suivre, alors que les échos de la prophétie tournaient en boucle dans son esprit. Ces mots la troublaient profondément. Elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine crainte face aux implications qu'elle pourrait avoir. Heureusement qu'elle était à bonne école avec Alexander, celle des non-croyants. Pourtant, elle savait pertinemment qu'elle finirait par croiser ces personnes qui l'appelleraient l'élue.
La charrette s'immobilisa brusquement, secouant Abi qui se redressa pour découvrir Alexander debout sur la terre ferme. Devant lui s'étendait la forêt la plus impressionnante qu'elle n'ait jamais vue. Les arbres s'élevaient majestueusement vers le ciel, leurs cimes se confondaient avec les nuages. Un vent chaud lui parvint d'entre les feuillages, apportant avec lui l'odeur de la terre humide. Les grondements, Les arbres eux-mêmes semblaient grogner, cette forêt était un monde à part, un écosystème foisonnant de vie et de mystère, où chaque arbre devenait un guerrier protecteur de ses entrailles.