La cité royale
Avec délicatesse, Rowena plongea sa main dans le panier qu'elle avait subtilisé dans les cuisines quelques minutes plus tôt. Elle en sorti le cadavre d'un poisson dégoulinant. Elle leva les yeux, éblouis par le soleil, à la recherche des silhouettes caractéristiques des ptérodactyles. Bientôt, elle repérait leurs formes gracieuses planant dans les airs, leurs ailes étendus battant doucement au gré du vent. D'une voix douce, presque chantante, Rowena les appelait, agitant leur repas visqueux. Aussitôt, les ptérodactyles commencèrent à descendre, leurs grands yeux fixés sur la jeune femme, impatients de recevoir leur part. Les uns après les autres, ils tournoyaient un peu plus près. Leurs becs acérés munis de petites dents saisissaient habilement les restes jetés. Le bruissement de leurs ailes combiné au son de leur festin résonnait dans la cour.
— Généralement, ils sont nourris dans la serre pour éviter qu'ils ne viennent quémander trop près du château. Clama une voix féminine. N'oublions pas qu'une part de sauvagerie vit toujours en eux.
En contrebas, Rowena reconnut celle qui l'interpellait. La dame d'Aquanburg portait fièrement les couleurs de sa seigneurie, une somptueuse robe turquoise incrustée de diamants, mettant en valeur sa prestance royale. Veuve du héros Edmund, mère de la princesse, épouse du plus affligeant des princes, elle affichait une élégante prestance malgré sa relative jeunesse. Son doux visage, bien que marqué par quelques débuts de rides, témoignait d'une expérience et d'un vécu profonds. Une tente se dressait dans la cour pour elle et sa compagne, les protégeant du soleil, entre autres, tandis qu'elles s'apprêtaient à déguster leur collation.
— Je suis Mélisandre, dame d'Aquanburg et voici ma fille, Lysandra, princesse et épouse du prince Darian, mais cela, vous ne pouvez l'ignorer. Je ne pense pas me fourvoyer en disant que vous devez être Rowena de Terraxia?
L'une et l'autre savait pertinemment qui elles étaient et pourtant jamais elles ne s'étaient adressé la parole. Ni même à la princesse, Lysandra qui, pourtant, devait bien avoir son âge, ou deux années supplémentaires, tout au plus.
— C'est exact, répondit Rowena de toute sa hauteur.
— Et bien jeune fille, ne soyez pas timide, venez donc nous rejoindre, plutôt que de nous arroser de ce jus de poisson, nous venons tout juste de nous servir une infusion.
Rowena n'osait pas refuser l'invitation.
Sous les drapés de soie bleu turquoise, la tente dévoilait un intérieur accueillant avec de nombreux coussins moelleux, disposés autour de deux divans, en son centre une petite table présentait plusieurs assortiments de tisane fumante. Rowena tendit la main pour se servir l'une d'entre elles lorsque Mélisandre, doucement, posa sa main sur la sienne, lui faisant signe d'attendre.
— Je vous la déconseille, celle-ci est pour Lys, c'est une enfant fragile.
En effet, Lysandra était menue et parlait peu. Elle était connue pour son hypersensibilité et sa douceur. Rowena se demandait comment un petit animal si fragile pouvait survivre aux griffes d'un époux tel que le prince Darian. Lysandra n'avait rien de sa mère, ni ses yeux marron, ni son teint hâlé et encore moins sa force de caractère. Physiquement, la ressemblance entre la jeune princesse et son époux était frappante, semblable à deux gouttes d'eau. Elle avait hérité autant de traits d'Edmund que Darian en avait hérité de la reine.
Mélisandre lui servit une bonne tasse d'une infusion au parfum prononcé de citron, puis l'invita à prendre place aux côtés de sa fille.
— Comment se passe votre acclimatation au château ? Avez-vous eu l'occasion d'apprendre à connaître votre fiancé ? J'ai entendu dire que votre père ne portait pas cette alliance dans son cœur ? ainsi l'assailli-t-elle de question.