CHAPITRE 26

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CASSANDRE

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CASSANDRE


Aucun de mes tirages ne m'a trompé. Pas un seul. De toute ma vie. Pendant un temps, je n'osais même plus toucher aux cartes, de peur de modifier la trajectoire du monde. Et puis j'ai fini par me dire que les dés étaient peut-être déjà jetés. Que mon intervention ne changeait pas le cours des choses mais me permettaient simplement de le connaître.

À défaut d'avoir le contrôle sur ma condition de prostituée, je peux l'avoir sur l'avenir. Autant en profiter. Autant bénéficier de ce coup d'avance sur les autres.

Clarissa continue de me raconter sa vie. Je ne l'écoute que d'une oreille, me contentant d'un bruit de gorge de temps en temps pour lui donner l'impression que j'écoute. Au fond, elle se fiche bien de mon avis sur les questions qu'elle évoque. Tout ce qu'elle veut, c'est parler. Parler. Parler. Elle est du genre à écouter les vocaux des autres en fois deux sans se gêner pour en envoyer elle-même d'une durée de dix minutes.

Elle n'est pas désagréable, juste... saoulante.

Je me concentre sur mes cartes pour les étaler devant moi en ligne horizontale. Aucune question particulière ne me vient, alors je me laisse guider par le destin. Sans bien savoir pourquoi, je n'arrête pas de visualiser le campus de Princeton dans ma tête. La chaleur dans la paume de ma main me guide. Un picotement m'agite lorsque je passe au-dessus de certaine, comme si une force invisible me poussait dans une direction. Je tire une première lame, puis une deuxième et enfin, j'en récupère une troisième à l'extrémité de la ligne. La toute dernière. Je fronce les sourcils. Ce n'est pas souvent que mon instinct me pousse sur celle-ci. Et la dernière fois... le présage n'augurait rien de bon.

Une boule se loge au creux de mon ventre. Le souffle court, je retourne la première carte à l'extrême gauche.

La Reine de Coupe. À l'endroit. Le dessin dévoile une femme habillée de bleu et de rouge, tenant un calice entre ses mains. Elle l'observe comme s'il recelait tous les secrets de l'univers. Comme s'il contenait un élément qui s'apprêtait à altérer le cours du temps. Mon intuition s'emballe.

Quelque chose se prépare. Mais quoi ?

Je retourne la deuxième carte. La justice. À l'envers. La chair de poule s'étend sur mes bras. Les valeurs s'inversent la plupart du temps lorsque la lame se place dans le mauvais sens. Compte tenu de ce que j'ai tiré juste avant, des connexions se tissent dans ma tête.

Une femme. Victime d'une injustice. Mais laquelle ? Je ferme les yeux pour laisser les cartes me parler. Elles ne parlent pas vraiment, disons plutôt qu'elles s'expriment. Ce n'est ni un son, ni une voix. C'est plutôt une certitude qui m'apparaît aussi clairement que je connais mon prénom ou la couleur du ciel. L'information s'imprime dans ma tête comme si j'en avais toujours eu la possession et que je venais juste de découvrir mon accès.

Elle est d'abord flou. Nébuleuse. Si je devais l'expliquer, je dirais que c'est comme marcher dans le noir. On tâtonne, on place ses mains devant soi pour éviter de se cogner. On cherche le moindre indice sensoriel sur lequel s'appuyer pour trouver un semblant de sécurité et de contrôle sur la situation. Puis progressivement, la vue s'habitue à l'obscurité, les contours de l'environnement gagne en clarté.

Avec le tarot, c'est la même chose. Chaque nouvelle carte est un coup de projecteur sur une scène emplie d'indices sur l'avenir. Le mien ou celui des autres. Parfois, j'ai du mal à savoir. Là, je suis convaincu que ce tirage ne me concerne pas. Il m'arrive de poser des questions, de formuler une interrogation précise. À d'autres moments, comme ce soir, je me contente de laisser mon don me dire ce qu'il veut.

Et quoi qu'il veuille me transmettre cette fois, je sens que je ne vais pas aimer ça.

Je prends une grande inspiration pour faire le tri dans ma tête. Je dois avoir les idées claires pour ne pas interpréter de travers la révélation qui va suivre. Du bout de mes doigts tremblants, je retourne la dernière carte.

Mon estomac effectue un saut périlleux.

Le bateleur. Ce personnage pareil à un saltimbanque, connu comme un magicien des temps passés, spécialiste de l'escamotage sur la place publique. On pourrait lui prêter un semblant d'affection si on ne se fiait qu'à cela et pourtant... mes yeux sont rivés sur les objets près de lui. Il y a un couteau. Tout le monde peut le voir. Il y a du sang. Je suis la seule à le voir. Le tour de la lame est entièrement blanc, pourtant mes yeux me crient rouge. Ils placent un calque sur la réalité pour me permettre de distinguer ce qui est invisible au commun des mortels. Et un mot résonne dans ma tête.

Violence.

Violence.

Violence.

En relevant la tête pour observer Clarissa qui continue de se pomponner avec indolence, je retiens un haut-le-cœur. Ma poitrine est tellement comprimée que je peine à respirer et ça n'a rien à voir avec le bustier ultra-serré qu'on m'a forcé à porter ce soir. Seule la vérité détient le pouvoir de m'ébranler à ce point.

Femme. Victime. Injustice. Violence. Couteau. Sang.

Le campus qui me tournait en tête pendant que j'étalais les cartes... Tout cela ne sont que des images, pas des prédictions exactes. Un mélange de mon instinct, de ce que les lames ont dit et des chemins qui s'offrent à moi. Je ne peux pas exprimer avec justesse ce qui va se passer comme si j'écrivais une scène précise d'un roman. Pourtant, je peux affirmer sans l'ombre d'un doute ce qui suit.

Une étudiante de Princeton va mourir.


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KILL BILL (Dark Romance)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant