CHAPITRE 29

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AXEL


Je m'étends sur le lit, le regard rivé au plafond. Des tâches d'humidité s'étendent à plusieurs endroits. Un jour le plafond s'effondrera en déversant les litres d'eau qui proviennent de l'étage supérieur. Avec un peu de chance, je mourrais noyé et je n'aurais plus à me soucier de rien.

Non.

Mourir serait trop simple. Et j'ai prêté serment. Tant que je n'aurais pas accompli ma destinée, je ne peux rendre mon dernier souffle.

À l'intérieur de l'armoire, je récupère un jeu d'échec plus vieux que moi. Les pièces sont abîmées mais je m'en moque. Mon regard s'arrime à chaque pièce qui constelle le plateau. Deux d'entre elles sont différentes du reste. Elles ne proviennent pas de ce jeu. C'est moi qui les ai rajoutées.

Le Roi.

Le Fou.

Je les fixe comme s'ils recelaient les secrets de l'univers. Parce que c'est le cas. Ils recèlent les secrets de mon univers. Je n'ai simplement pas réussi à les décrypter. Pas encore.

Alors je m'arme de patience, déployant mon énergie à juguler la rage intense qui gronde sous ma peau. Elle brûle avec tant de force que parfois, un véritable incendie se propage dans mes veines. Je deviens la victime de ce feu sacré qui me rend esclave de mes pulsions.

Je pose le jeu d'échec par terre, puis sors un miroir sur pied avec une face grossissante ainsi qu'une palette de maquillage. Je m'accroupis sur les vielles lattes de plancher qui grince sous mon poids, puis entame mon processus de déshumanisation.

Axel doit disparaître. S'évaporer. Son ADN doit suinter par tous les pores de sa peau jusqu'à le laisser exsangue de ce qui fait de lui... lui.

Je dois devenir un autre. Mon autre.

Première étape : retirer le verni bleu sur mes ongles. Je ne sais pas pourquoi j'aime en mettre. Le make up ne m'intéresse pas d'une manière générale. Je ne le considère que comme un artifice qui me permet d'arriver à mes fins quand j'œuvre dans l'ombre.

Mais le vernis... si je suis honnête, il a une signification particulière pour moi.

Ce n'est pas le moment d'y penser.

L'odeur du dissolvant me fait frémir les narines. J'adore. C'est corrosif et chimique à souhait, pourtant, ça m'apaise.

Une fois mes ongles revenus à leur aspect d'origine, je me noircis les paupières à l'aide de fard et j'appuie les contours avec un crayon. Mes iris étant aussi noirs que les ténèbres, je me sens invisible une fois la tache achevée. Il ne reste que le blanc de mes sclères pour apporter du contraste.

Face à mon reflet dans le miroir, je ne me reconnais pas. C'est fou comme une stratégie aussi simple fonctionne aussi bien. L'homme auquel je fais face est presque un inconnu. Visuellement, en tout cas.

Mon apparence ne suffit pas. Je ne dois pas juste avoir l'air d'un autre : je dois devenir un autre.

Deuxième étape, je tire mes cheveux à l'aide d'un peigne. Je les plaque du mieux que je peux vers l'arrière tout en vaporisant de la laque autant de fois qu'il le faut. Adieu la middle part. Les contours de mon visage gagnent en clarté et en précision. Mes pommettes sont saillantes, ma mâchoire incisive. Mon nez s'est allongé.

Méconnaissable.

Je me lève, me dirige vers l'armoire pour y décrocher un cintre. Une housse grise dissimule une tenue en cuir fin près du corps. Je me glisse dans cette tenue semblable à une seconde peau. Axel frisonne au contact de cette matière qu'il déteste mais mon alter ego sourit. Il s'éveille, peu à peu.

Le textile s'étend sur mes bras, sur mes jambes. Je tire sur la fermeture Éclair pour la remonter jusqu'à mon cou. Je rabats la capuche sur mon crâne et tire sur la porte de l'armoire pour m'observer dans la glace longiligne.

Celui qui se tient face à moi n'est pas un inconnu.

Il n'est pas Axel non plus.

Mes lèvres s'étirent.

Obsidienne est de retour.

En me mettant debout, je perçois mon corps différemment. Il est plus léger, plus souple, plus fort. Il ne fait qu'un avec son environnement. Les limites n'existent plus, les verrous ont sauté, les obstacles ont cédé. L'impossible n'est plus qu'un écran de fumée sur lequel je souffle pour le dissiper.

Il n'y a rien que je ne me sente en capacité d'accomplir.

Rien.

Je range mon matériel puis récupère l'enveloppe que j'avais laissée sur le lit. L'agilité de mes doigts est démultipliée, à l'instar de l'acuité de leur pulpe. Tout est plus net. Plus fort.

Plus intense.

Une fois l'emballage déchiré, je trouve un papier cartonné à l'intérieur. La face recto contient un seul nom : celui de ma première victime. Celle de ce soir. Au verso, je trouverai celle qu'il me faudra éliminer la fois suivante.

Mon regard s'imprègne enfin des informations.

Elsa Downford.

Obsidienne ne la connaît pas et personne ne connaît Obsidienne.

Axel non plus ne la connaît pas. Ce sera facile de l'éliminer.

Je retourne la carte pour découvrir ma deuxième victime.

Mon cœur rate un battement.

Cassandre Caldwell.


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KILL BILL (Dark Romance)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant