KILL BILL (Dark Romance)

CHAPITRE 14

AXEL

Après un pierre feuille ciseau endiablé au terme duquel Cassandre l'emporte face à Terry, nous avons le privilège de casser le triangle. Je ne peux m'empêcher de lui glisser à l'oreille :

— Bien joué Cassandra !

Ce qui a le don de l'agacer. Elle serre les dents pour tenter de masquer sa réaction, en vain. Je suis du genre à ne rien rater. Observer les autres est devenu une seconde nature, sûrement parce que sans cet atout majeur, je ne serai pas devenu le tueur à gage inénarrable que je suis. Aucun échec, aucune erreur. J'ai toujours rempli chacune de mes missions, chacun de mes contrats en temps et en heure avec une efficacité sans pareille.

L'image de Zorro se forme dans mon esprit. Pas sûr que ma cause soit aussi noble que la sienne mais pas sûr que son âme ait été aussi noire que la mienne. Je me bats avec les armes dont je dispose dans cette chienne de vie aux règles nébuleuses et aux dés pipés.

— On a les boules pleines, me glisse-t-elle discrètement. Ça ne devrait pas te dépayser, si j'ai bien compris.

Un gloussement m'échappe et je me maudis aussitôt. Cassandre arque un sourcil, étonné par ma réaction. Heureusement, j'ai repris mon masque glacial sans délai. La pauvre doit avoir le tournis avec moi mais j'en ai autant à son servir.

Les tours s'enchaînent, la partie est serrée. À mon grand dam, je dois reconnaître que la maîtresse des lieux est excellente. Ses compétences dépassent de loin les miennes pour qui a un œil aiguisé à ce jeu. Pour des spectateurs moins avertis, je pense réussir à donner le change. Je n'ai pas l'intention de quitter cette soirée en ayant l'image du type écrasé par une pseudo-Barbie aux tendances sadiques.

Après une deuxième échec de ma part d'affilé, je serre les poings. L'envie d'insulter les ancêtres de mes adversaires sur dix générations m'effleurent l'esprit mais je me contiens. J'ai horreur de perdre la face et je n'ai pas constitué ce masque d'impassibilité sociale pour le rompre à la première contrariété. Les émotions ne sont qu'une source d'énergie. Lorsqu'elles essaient de me submerger, je les réduis à ça puis m'en sers de moteur pour atteindre mes objectifs.

Je suis déjà prisonnier de mon désir de vengeance, je me suis promis de ne jamais être l'esclave d'aucune autre émotion.

— Je retire ce que j'ai dit, t'es pas du tout un gros baiseur, admet Cassandre à voix basse pour que la foule ne nous entende pas. C'était déplacé de ma part.

Étonné par ce revirement de situation inattendu, je m'apprendre à hocher la tête pour clore cet épisode quand elle enchaîne :

— Mais j'aurais préféré. C'est sûrement parce que t'es mal baisé que tu es aussi naze au billard.

Mes sourcils se haussent si haut qu'ils doivent s'en confondre avec ma chevelure. La bourgeoise a sorti son vocabulaire le plus argotique possible. Ça ne colle pas avec ses artifices visuels et ses tenues guindées, mais il faut admettre que ça n'a pas manqué de tranchant.

— Mieux vaut être mal baisé que pas baisé du tout, Cassandra. À ton stade, c'est pas à Tinder qu'il faut t'adresser mais à un scientifique spécialisé dans la préhistoire. Avec un peu de chance, il arrivera à défossiliser ton vagin.

Sa mâchoire se décroche avec tant de force qu'elle en frôle le carrelage blanc. Galvanisé par ma répartie, je saisis ma queue et envoie deux boules dans les trous avant de laisser Elena jouer à son tour. Le duel se poursuit avec la même intensité, ne laissant aucune équipe prendre l'avantage sur l'autre. Les spectateurs sont en délire, les commentaires vont bon train. Certains parient même de l'argent sur la victoire d'un binôme ou de l'autre.

Cassandre et moi ne parlons plus. Si je me contente de la fusiller du regard avec un plaisir non dissimulé, elle ne se gêne pas pour m'envoyer son coude dans les côtes ou m'écraser le pied par « mégarde » lorsqu'elle passe près de moi.

Alors que la situation se gâtait pour nous, je parviens à rétablir les scores. Celui qui mettra la boule noir l'emportera. Elena prend son tête, calcule et vise. Mais elle échoue et en beauté, laissant le champ libre à Cassandre de finir sans la moindre difficulté. Surtout avec un savoir-faire comme le sien. Terry est déjà est en train de maugrée parce qu'il sait qu'il a perdu. Pour ma part, je ne peux réprimer un rictus satisfait.

Contre toute attente, Cassandre foire grossièrement son cou. Elle se tourne vers moi, place le bout de ses doigts devant sa bouche et murmure :

— Oups...

Terry ne se fait pas prier pour dérober la victoire. Abasourdi par cette gaminerie qui nous vaut une défaite humiliante, je n'arrive pas à décrocher mon regard de la blonde. Je savais que je n'aurais jamais dû accepter de me mettre avec elle. Comment imaginer un seul instant lui faire confiance pour un dossier aussi important pour les cours alors qu'elle retire son seul plaisir de me pourrir la vie, quitte à torpiller ses études s'il le fallait ? Si mon dessein va bien au-delà d'être un étudiant accompli, j'ai bien l'intention d'obtenir ce diplôme. J'en ai fait le serment.

Alors que Cassandre s'éloigne sans se départir de son air satisfait, je lui attrape fermement le poignet et siffle :

— Je t'avais promis l'enfer, tu vas l'avoir.

— Ouuh, j'ai peur !

Elle tente de se défaire de mon emprise mais je bloque sa tentative et l'attire contre moi. Elle percute mon torse qui ne bouge pas d'un millimètre, la peur peignant des nuances différentes sur son visage dépourvu de défaut. Une lueur pareille à celle d'une biche effrayée par les phares d'une voiture s'allume dans ses prunelles quand je murmure :

— Tu devrais... Tu n'as aucune idée du genre de monstre que je suis.

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