22 - La matriarche Carello

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En se réveillant, Adélaïde fixa le plafond. Il était de la même teinte tous les jours, et pourtant, elle espérait vainement qu'un jour, il soit différent. C'était toujours ce blanc sombre et froid, qui lui rappelait que cette maison était son bagne.

Ses yeux se posèrent sur l'horloge; onze heures. C'était tôt. Trop tôt pour faire face à une autre journée. Son grand lit était vide; Francis était parti travailler depuis des heures déjà. Elle ne le croisait plus le matin depuis plusieurs mois: il commençait très tôt, et rentrait tard. Elle passa dans la salle de bain, et s'observa un instant dans le miroir. Malgré ses heures de sommeil, ses cernes étaient marquées, son teint défraîchi, ses rides plus visibles que la veille. Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même. Ses années de mannequinat étaient bien loin derrière elle. Et en vieillisant, ce sentiment ne s'arrangerait certainement pas.

Elle prit une longue douche, brossa ses cheveux, et s'habilla élégamment d'une robe rose, comme d'habitude ; tel était le rôle de la matriarche des Carello. Sa mère le lui avait répété maintes fois. Alors, remplissant son rôle, elle rangea et nettoya la maison, fit la lessive, alla faire les courses pour le dîner. Elle allait tous les jours au marché; cela l'aidait à faire passer le temps. Elle prétendait vouloir les aliments les plus frais afin que les vendeurs ne la questionnent pas; elle ne pouvait dire à personne qu'elle fuyait sa propre maison.

"C'est toi, Adèle ? Adélaïde Tanet ?

La femme se retourna d'un geste. Elle fit face à un grand homme au teint hâlé. Elle aurait pu reconnaître ses sourcils épais et ses yeux noirs entre mille. Adélaïde se figea un instant, remontant presque vingt ans en arrière. À l'époque où sa carrière était à son apogée, tout comme son bonheur.

- C'est Carello, maintenant."

Elle avait répondu plus froidement qu'elle aurait voulu. L'homme lui adressa un sourire chaleureux, en reprenant:

"C'est fou! Ça fait... Tellement d'années ! Tu n'as pas changé, la complimenta-t-il, en la regardant de la tête aux pieds.

Adélaïde leva les yeux au ciel.

- Je vois que tu es toujours aussi doué avec les mots, Adamm.

- Et toi, que tu as toujours ta répartie." répondit-il en riant.

Une vague d'émotions l'envahit en recroisant cet homme qu'elle croyait appartenir au passé. Lui non plus n'avait pas changé : son style s'était affiné et sa barbe avait poussé, mais ses yeux restaient les mêmes ; ils brillaient toujours d'une lueur forte, comme s'il était capable de tout faire. C'était la première chose qu'elle avait aimée chez lui. C'était loin d'avoir été la seule.

Adamm avait été son premier amour, peut-être même le seul qu'elle n'ait jamais eu. Ils s'étaient rencontrés sur un tournage; il en était le styliste. Leur alchimie avaient été telle qu'au bout d'un mois, Adélaïde avait voulu le présenter à ses parents. C'était sans compter sur leur fermeture d'esprit, et sur le projet qu'ils avaient déjà pour elle à l'époque. Ce projet, c'était Francis Carello.

"Je croyais que tu étais styliste à l'étranger.

- Pas du tout, se mit-il à rire. J'étais un très mauvais styliste. Tes parents avaient raison à ce sujet."

La blonde tiqua en se rappelant de cette histoire.

"Je travaille dans l'humanitaire avec ma femme, reprit Adamm. On parcourt des pays en essayant d'aider, rit-il.

Adélaïde ne put s'empêcher de sentir un pincement au cœur. Après vingt ans sans nouvelles, il était évident qu'il avait refait sa vie. Il existait une vie après leur très courte histoire d'amour.

La Reine des Pestes [Amour Sucré - Ambre x Armin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant