Red Light - Tome 2

~ I ~

Hayleen

Ses yeux noirs m'obsèdent, me suivent où que j'aille. Quand je me pose dans mon lit et que j'abaisse mes paupières dans l'espoir de trouver le sommeil, il est là. Toujours. Dans mes songes comme dans mes cauchemars. Il est le fantasme, ainsi que le démon de mes nuits. Le rêve et la hantise à la fois.

— Libellule, t'es avec nous ?

— Mh ?

Je cligne plusieurs fois des yeux, comme pour me reconnecter à la réalité.

— Pardon, m'excusé-je. Je n'ai pas beaucoup dormi ces derniers jours.

— L'autre bouffon ?

— L'autre bouffon, confirmé-je en soupirant. Sers-moi un verre, Ty.

Le brun fronce les sourcils sans pour autant esquisser un geste.

— Hayleen, c'est le...

— Je me fous de savoir à combien de verre j'en suis, le coupé-je froidement sans même lui accorder un regard.

Je scrute le fond de mon verre vide, où une dernière goutte de rhum roule au rythme de mes mouvements. J'entends Tyler qui prend une inspiration, prêt à reprendre la parole.

— Et ne t'avise pas de me parler de l'heure parce que je m'en contrefous également, tranché-je. Contente-toi de remplir ce putain de verre et de répondre à mes questions.

C'est le deuxième jour que je passe ici. Le premier, j'avais passé mon temps à m'installer dans l'une des chambres à l'étage de ce manoir gigantesque. Le bâtiment date du XIXème siècle, ses murs extérieurs sont envahis par du lierre qui n'enlève rien à son charme. Située dans un quartier de Los Angeles, la propriété a échappé à la modernisation alentour, gardant son côté rustique. Le terrain est au moins aussi vaste que celui de la villa de Nikolaï, si ce n'est plus.

L'intérieur du manoir est décoré de manière luxueuse, dans des tons dorés et blancs. Les murs en pierre s'accordent au marbre qui s'étale sur le sol, les couleurs claires contrastant avec le bois sombre des meubles qui habillent les pièces.

Je scrute la cheminée éteinte, tandis que Tyler se résigne finalement à accéder à ma demande, remplissant mon verre de ce liquide ambré qui fait frétiller mes papilles d'impatience. Une question me brûle les lèvres, pourtant je ne la pose pas. Je connais la réponse. Et je sais qu'elle ne me plaira pas.

Une fois de plus, tout a été orchestré.

Une fois de plus, je n'ai pas réellement été libre de mes choix, on m'y a contrainte sans même que je le sache.

— Un souci ?

Je constate que mes dents se sont attaquées instinctivement à ma lèvre inférieure, fâcheuse manie qui ne me quitte plus depuis maintenant des mois. Je relève mes yeux à hauteur des siens, plongeant dans l'océan de ses iris.

— Vous n'attendiez que ça, déclaré-je finalement en reposant mon verre sur la table en bois massif.

Son froncement de sourcils m'indique qu'il ne me suit pas.

Étonnant.

J'aurais pourtant juré qu'il avait plus de trois neurones, mais il faut croire que je me suis trompée.

— Que je me joigne à vous, finis-je par souffler en levant les yeux au ciel. Vous êtes arrivés dans l'État de New York juste après que je commence à bosser pour Reed. Puis comme par hasard, quand je vous demande vos services, vous m'embarquez pour nous paumer dans un manoir à Silver Lake.