Red Light - Tome 2

~ XVIII ~

Nikolaï

Si un Dieu existe là-haut... Pitié, qu'il me laisse crever.

Ça fait deux heures qu'on a quitté Los Angeles. Et il reste encore quatre heures de vol jusqu'à Jacksonville. Quatre heures à supporter le karaoké infernal de mon chaton, et les regards assassins de Tyler.

Il n'a pas dû apprécier que je le congédie hier soir.

Qu'il s'estime déjà heureux de ne pas avoir fini avec une balle entre les deux yeux pour sa simple présence dans la chambre de Hayleen. Cela dit, ça aurait été bête de le tuer si tôt, et pour si peu. Maintenant, j'ai la satisfaction de l'avoir humilié pour avoir cru pouvoir me passer devant.

Pas de chance pour lui, Hayleen n'a pris que le plaisir qu'il lui procurait. Rien d'autre. Tout le reste de son attention était focalisée sur moi, et moi seul.

Notre bulle à nous.

Je lève le regard pour croiser celui de mon chaton, qui brille tandis qu'elle s'égosille sur un énième morceau. Je jurerais que Keida m'a déjà parlé de sa capacité à massacrer les Guns N' Roses.

Hayleen n'est pas du genre à se dandiner comme ça, même en petit comité. Elle peut remercier les verres de rhum qu'elle a allègrement enquillés, enfin libérée de ces foutus cachetons qu'elle n'aurait même jamais dû prendre.

Mon cœur se serre à cette idée, et je me renfrogne en tournant mon regard vers le hublot. Rien de tout ça ne serait arrivé si j'avais été honnête. Si je n'avais pas prévu de me servir d'elle.

Et par-dessus tout, rien ne serait arrivé si j'avais mis ma putain de fierté masculine de côté et assumé que je l'avais dans le sang.

Depuis le début.

Depuis le lycée.

Je sens mes molaires qui grincent entre elles tant je serre ma mâchoire. Dans un soupir, je redirige mon attention vers Tyler, qui ne m'a pas quitté des yeux depuis notre départ. Assis dans le siège face à moi, il me dévisage ouvertement, bras croisés et regard noir. J'esquisse un sourire moqueur.

— Qu'est-ce que t'as ? lancé-je sur un ton provocateur. T'as mal dormi ?

Je vois ses narines qui se dilatent, et ses muscles qui se crispent, mais il ne me répond pas pour autant.

— Ou bien on a fait trop de bruit, hier soir ? continué-je tandis que mon sourire s'élargit.

Puis je fais mine de me souvenir d'un détail, en portant ma main devant ma bouche.

— Oh, excuse-moi. On n'a pas pu te déranger, puisque tu étais là. Tu es si insignifiant que je l'avais oublié.

Il prend une grande inspiration en plissant les yeux, la mâchoire serrée. Sans pour autant réagir.

Allez, fais-moi plaisir et sors de tes gonds. Je me fais chier comme un rat mort.

— À moins que ce ne soit parce que Hayleen a gémi uniquement mon prénom...

Cette fois, il se lève d'un bon, puis sort son flingue de l'arrière de son jean, avant de le braquer sur mon front. Du coin de l'œil, je vois ma petite brune qui se fige. Puis elle s'avance d'un pas discret, prédateur.

Sans la moindre faille, malgré l'alcool qu'elle a ingéré.

D'un geste rapide et maîtrisé, elle enroule son bras autour de la gorge de Tyler, et applique une certaine pression dessus. En quelques secondes, son visage vire légèrement au rouge, et ses veines deviennent visibles. Elles palpitent sous la peau fine de sa tempe.