Deadly Waves

12. Sombre lagon

♬ : Battle Scars - Guy Sebastian & Lupe Fiasco

"A lover not a fighter on the frontline with a poem trying to write yourself a rifle..."

12. Sombre Lagon

Zeio Toretto,
University San Juan, présent.

Je sors Suki de ma voiture en la portant dans mes bras. Elle marmonne des mots incompréhensibles avant de se nicher dans le creux de mon cou et de se rendormir pendant que je traverse le campus pour rejoindre sa chambre.

Son souffle chaud caresse délicatement la peau de mon cou et des frissons naissent sur mon épiderme. Pourquoi cette fille me rend-t-elle aussi faible ? Pourquoi c'est si bon de la sentir s'accrocher à moi comme un coquillage s'accroche à son cailloux. Indétachable, scellé par un lien inexplicable.

J'arrive devant la porte de sa chambre. J'attrape les clés dans son sac et déverrouille la porte.

Sa meilleure amie n'est pas là, la chambre est plongée dans la pénombre. Il fait sombre mais je peux encore distinguer les meubles à cause de la lumière des lampadaires qui s'infiltre à travers les fenêtres. Il est facile de deviner quel lit est celui de mon trésor marin. Un lit impeccablement fait comme l'apparence qu'elle essaye de sauver chez elle. Mais aussi le livre qu'elle a emprunté à la bibliothèque.

D'une main, je l'enlève et défais la couette pour la déposer dans ses draps.

Elle se détache de moi et je la recouvre.

-          Bonne nuit mon trésor. Soufflé-je près d'elle et en lui remettant une mèche de cheveux rebelle derrière l'oreille.

-          T'as pas intérêt à me regarder dormir. Prononce-t-elle en mâchant ses mots, ce qui me fait rire.

-          Arrête de te moquer de moi, va-t'en.

Je pouffe de rire en silence. Elle se rendort presque aussitôt, il est l'heure pour moi de rentrer. Quand je me tourne je manque de renverser quelque chose sur mon passage. C'est une toile couverte d'un draps blanc.

Pris d'une vilaine curiosité, j'attrape le drap. Je sais, regarder dans les affaires des autres ce n'est pas poli mais c'est le revers de la médaille pour avoir été trop curieuse quand je lui avais interdit le purgatoire.

Je m'accroupis afin d'avoir une meilleure vue sur la peinture, déjà qu'avec l'obscurité tout reste assez vague. Le drap soulevé, ma respiration se comprime dans ma cage thoracique.

Je savais que ses yeux d'un lagon sombre et profond criaient à l'aide.

L'insolence est devenue son bouclier. La distance qu'elle met à ses émotions n'est rien d'autre qu'une prévention signalant que si on la serre trop fort dans nos bras, son âme abîmée est capable d'exposer toutes les vérités qu'elle camoufle au monde dans ce cœur cristallisé.

Mais sur cette toile, elle parle.

Elle se dévoile.

Il est dit que la peinture est porteuse d'une vérité infaillible. Quand on prend son pinceau en main, il est rare de mentir, rare de tromper nos pensées qui se perdent sur cette toile blanche. Son esprit ne peint pas que des rêves, il peint des craintes et de sordides vérités.

Ce tableau d'une femme qui étouffe, encerclée de ses bras bleutés tant elle les aggripent de ses doigts, paraît si réel. Je détaille avec attention le chef d'œuvre devant moi, je ne suis certainement pas expert en art, pourtant, je n'ai jamais autant vibré que devant ce coup de pinceau précis et réaliste que possède Suki. Mes yeux n'arrivent pas à se détacher de la détresse dessinée sur ce tableau. L'émotion qu'il dégage est impressionnante, fascinante.