Les Seraphines

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– J'ai peur. . .

La petite voix apeurée essayait tant bien que mal de se faire entendre alors que les vagues s'écrasaient à leurs pieds. La sensation de l'eau gelée poussa le petit être à se rapprocher doucement du corps plus élancé et confiant qui lui tenait la main. Pourtant, ses yeux s'accrochaient à la vue devant elle ayant le sentiment qu'elle ne la reverrait jamais. Les derniers rayons de soleil brûlaient sa rétine, mais l'eau la rafraîchissait d'une manière presque familière.

Les deux ombres continuaient de marcher sur la plage comme si ses mots n'avaient jamais été prononcés. Un énième murmure de l'océan. Leur présence semblait éphémère, bientôt inexistante. La brise balayait tendrement leur visage et l'écume s'efforçait de faire disparaître leurs traces. L'enfant laissa échapper un petit souffle incertain, ses pensées ne pouvant s'éloigner de ce qui allait arriver. Cependant, une légère traction sur sa main la ramena sur le fil du présent.

– Pourquoi est-ce que tu as peur ?

Cette voix sage et pourtant ascète brisa le silence qu'elle avait imposé plus tôt. L'enfant leva les yeux dans l'espoir de croiser un regard réconfortant ou un quelconque signe de reconnaissance. Elle fit rapidement face aux ténèbres et se rappela les coutumes préservatrices de leur clan.

La question qui était restée en suspens semblait sincère, mais la réponse demeurait évidente pour les deux êtres.

– Je n'arrête pas de penser à demain. . . déclara la voix juvénile, incertaine de la réaction de son aîné.

– C'est une étape cruciale de ta vie, tu le sais bien. Tu es l'une des nôtres, la mort ne viendra pas t'emporter.

Le ton employé se voulait convainquant et ne laissait place à aucune réponse. La jeune fille y était habituée, mais ses doutes étaient trop importants pour les garder enfouies en elle.

– Mais si je ne suis pas assez forte pour survivre au rituel alors Vanor m'accueillera au Feralma et-

– Je t'interdis de dire son nom, Cordélia ! réprimanda-t-elle.

Elles avaient arrêté de marcher et l'aînée s'était baissée à sa hauteur. L'ordre devait être clair. Cordélia laissa son regard se diriger vers leur mains liées, toutes deux blanches à cause de la pression. L'enfant avait oublié, son nom était un blasphème, une insulte envers ses ancêtres et une prière envers les démons.

– Souviens-toi, ma sœur, tu es une Seraphine. Une enfant de Nereus, dieu des océans et de Meeri, déesse du savoir et du destin. Notre foi ne va qu'à la vérité, c'est pour ça que nous sommes celles qui écrivent l'histoire des hommes. . .

Cordélia fixait le visage de sa sœur alors qu'elle parlait. Les mots étaient connus par cœur et la sensation d'assister à une prière se faisait de plus en plus forte. Mais à qui était-elle destinée ? Les dieux ? Ou sa jeune sœur ?

– Et je sais que demain, tu sortiras de l'eau avec ce bandeau sur les yeux. Tu auras enfin la capacité de voir. continua la Seraphine, l'excitation accentuant chaque syllabe.

C'était la vérité, dans quelques heures, elle ne verrait plus avec ses yeux, mais avec son esprit. Elle portera ce bandeau et le paysage idyllique ne sera plus qu'un lointain souvenir qu'elle essayera de cultiver.

C'était son destin, la seule et unique vérité.

– Crois moi, tu n'auras jamais vu le monde aussi clairement.

Dans quelques années, Olga ne sera plus là pour voir l'humanité se déchaînait comme au temps de la Grande Misère, ni ses sœurs perdre lentement et douloureusement leur foi.

SeraphineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant