Âmes juvéniles

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Nosoi, incarnation de la maladie et du dégoût. Un dieu qui ne recevait que des prières fondées sur des souhaits malsains. Un être qui n’acceptait pas les demandes miséricordieuses. Il était le miroir de ses créations. Un maître répugnant et directif qui profitait de chaque faiblesse du corps humain pour en faire son prochain hôte. Son enveloppe charnelle n’avait rien d’attrayant mais tout de repoussant.

Nosoi provoquait la pitié de par son corps frêle. Sa pâleur extrême n’avait rien à envier à ses victimes et ses mèches grises planaient autour de lui comme si la vieillesse était une énième maladie.
La légende disait que les âmes atteintes par une de ses créations entendaient sa voix avant de mourir. Un son glaçant qui s’imprégnait dans leurs os et une dissonance effroyable qui s’inscrivait dans leurs nerfs. Les murmures étaient son langage et les plaintes ses cris.

Certains affirmaient le voir au-dessus d’eux alors que la mort les emportait. Il se tenait debout comme un ange des ténèbres, prêt à consumer leurs derniers souffles. Nosoi observait l’agonie sur le visage de ces précieuses victimes avec un regard fière. Des yeux sombres, dépourvus de pupilles qui contemplaient glorieusement ses méfaits.

Malgré l’aura de solitude et d’égoïsme qu’il émanait, Nosoi faisait partie d’une fratrie. Premier enfant d’Astaroth, dieu de la nuit et des ombres. Frère aîné d’Ichor, dieu de la guerre et de Vanor, dieu du Feralma.

Des titres élogieux ou blasphématoires ? Il s'en moquait. Peut-être paraissait-il moins dangereux, moins imposant comparé à ses frères ? La jalousie n’était pas ce qui le définissait. Ses maladies n'étaient sûrement pas aussi sanglantes que les conflits d’Ichor et il ne possédait pas tout un monde souterrain qui avait pour sol des cendres.

Non, lui, Nosoi était inarrêtable. Ce qu'il engendrait ne dépendait pas d’une chose futile comme l’esprit humain.

Nosoi s’imposait, s’étendait et détruisait.

Durant la Grande Misère, il s’amusait des pauvres hommes qui aimaient s’appeler médecin. Ceux qui avaient l' espoir ridicule de trouver un remède. Une telle chose n’existait pas.

Le dieu de la maladie était absolu.

Quand les jugements des calamités eurent lieu, il accepta sa sentence sans contester. Ce qu’il avait commis, ce qui faisait de lui un complice, était un crime contre l’humanité. Il n’avait aucune raison de le nier.

Nosoi était resté sagement enfermé dans son propre enfer, proche du noyau de la terre.

Jusqu'à que l’un des apôtres de son frère vienne le libérer, lui transmettant un message.

“C’est l’heure.”

                                 

. . .


– Alors, c’est à cause de lui que maman est morte ?

Une petite voix se fit entendre dans la pièce étouffante. Des mots innocents, avec une consonance lamentable qui restaient collés sur sa langue. L’enfant souffrait plus qu'elle ne pouvait sûrement l’imaginer. Ses respirations haletantes résonnaient comme si ses poumons s’affolaient à chaque courant d’air. Une chose rare à Seryn. L’odeur de sa sueur agressait ses narines mais Cordélia refusait de bouger. À la place, elle plongea une énième fois un chiffon dans de l’eau fraîche avant de le poser sur le front du jeune garçon.

Cela faisait une semaine qu’elle et Nesryn passaient de maison en maison, espérant offrir un certain réconfort aux victimes. Grâce à leur sang, la maladie était incapable de les toucher. Ces moments n’en étaient pas moins difficiles.

SeraphineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant