Une vérité silencieuse

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Le silence n’existait pas.

Cette vérité constituait une autre facette de cet univers destiné aux parasites qu’étaient les hommes. Il y avait toujours du bruit, un son ou encore un murmure qui parcourait la matière à la recherche d’une oreille accueillante.

L'humain ne supportait pas le silence. Comment pourrait-il supporter quelque chose qu’il ne connaissait pas ? La nature faisait du sol son instrument, offrant un concert éternel qui interprétait de nombreuses partitions. La danse des feuilles, le combat des vagues et le chant du vent n’étaient que des notes devenues banales aux oreilles des hommes. Des notes quotidiennes qu’ils finirent par appeler silence.

Plusieurs contes récitaient l’absence totale de mélodie au sein des étoiles. Le vide ne laisserait place à aucune voix, à aucun refrain. Certains osaient même dire que les dieux séjournant au-delà du soleil de Caelestis, parlaient une langue inconnue aux humains, des mots qu’ils étaient obligés d’ignorer.

Pourtant Cordélia n’était pas d’accord. Elle était née entre les vagues et les étoiles. Sa naissance était le produit d’une cacophonie et du néant. Le silence ne l’avait, cependant, jamais traversé. Elle entendait toujours quelque chose. Les chuchotements dévoués de ses sœurs, les prières du vent et les perles d’eau ne s'évadaient jamais de son esprit. Là était la réponse à l’énigme qu’était l’inexistence du silence.

Tant que les humains auraient la capacité de penser, la musique serait absolue.

Les murmures odieux de ses souvenirs ne la quittaient pas. Les insultes dirigées vers ses sœurs que le roi Oryn avait prononcé résonnaient en elle comme un écho. Non, son âme ne lui laisserait jamais la chance de connaître la paix naïve que le silence serait si enclin à lui offrir.

Olga non plus.

Cordélia avait parfois l’impression d’entendre sa voix chanter des mots qu’elle ne comprenait pas. Et à chaque fois que cela arrivait, elle se retrouva à vouloir la faire taire une bonne fois pour toute.

Olga était morte. Pourtant, les derniers souffles de son être s’accrochaient à elle, lui griffaient la peau.

Cette sensation était toujours là. Même quand Elijah s’approchait d’elles, il y avait un poids sur ses épaules. Cordélia se demandait si Nesryn ressentait la même chose. Si Olga lui parlait pour lui rappeler que la liberté dont elle rêvait n’était toujours pas la sienne.

– C’était un sacré spectacle, mesdames. Vous n’avez, cependant, plus le droit à l’erreur.

Malgré la réprimande évidente dans sa voix, Cordélia pouvait deviner un petit sourire sur le visage de l'homme.

– D’après tout ce que vous nous aviez dit, j’ai supposé qu’il était le genre d'homme à ne comprendre que les insultes. Je me suis trouvée plutôt vive à ce sujet. le ton taquin de sa sœur résonnait dans la salle du trône bientôt vide.

– Vous êtes sous ma responsabilité maintenant. Pour le bien de tous, essayez de contenir vos remarques élogieuses.

Cordélia jouait avec ses doigts, plongée dans ses pensées. Elles avaient failli se faire brûler aujourd'hui. Peut-être que cela arriverait aussi le lendemain ? Elles devaient arrêter de jouer avec le loup avant de finir dans sa gueule. Le roi était un personnage détestable et perfide mais il restait le roi. Et elles n’étaient à présent que des orphelines.

– Ne vous inquiétez pas Elijah. On saura se tenir, suivre les ordres est notre spécialité après tout. déclara la jeune femme aux cheveux corbeau dans un soupir.

SeraphineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant