La peur de l'inconnu

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La peur, pour certains, était un concept abstrait. Quelque chose de psychologique, qui n'appartenait pas au corps mais à l'esprit. La peur était souvent une limite à ne pas franchir, un avertissement. Une mélodie, un refrain incessant qui grondait, en attendant d'hurler. La peur était un instinct, une protection, une armure et un sens. De nombreuses vies furent sauvées par ce sentiment nauséabond mais prenant qu'était la peur.

D'autres n'y voyaient qu'un défi. Un danger au parfum séducteur pour les hommes au cœur trop vaillant ou à la stimulation trop aisée. La peur était, pour eux, une idylle. Une fois la ligne franchie pouvait venir l'euphorie, beaucoup d'hommes perdirent la vie pour ressentir ne serait ce qu'une cendre de cette douceur.

Cependant les survivants, eux, devenaient plus dangereux et imprévisibles, insatiable de ce sentiment compulsif.

Cordélia avait toujours été élevée de sorte à ce que la peur ne l'atteigne jamais. Et c'était le cas. Sa vie avait commencé au sanctuaire et aurait dû s'y éteindre. Ce fut l'une des nombreuses vérités sensées être absolues qu' Olga lui avait murmurées. Et maintenant tout cela semblait obsolète. La sécurité était, autrefois, immuable. Aujourd'hui, Cordélia ne pouvait plus se permettre de croire à ce concept. Elle finirait par se faire brûler, comme ses sœurs.

- Laissez nous passer, bon sang !

Les gardiens de Seryn avaient une peur différente mais ordinaire. Leurs insécurités ne résidaient pas dans leur corps mais dans leur mémoire fermée contenant des légendes. Un esprit usé par le quotidien humain et par les rêves saints. Cordélia l'avait ressenti. Leurs yeux s'étaient écarquillés d'incrédulité, peut-être même d'effroi face à ces images allant s'opposer à la réalité qu'elles leur offraient. Elle pouvait imaginer la petite voix dans leur tête, leur chuchotant de ne pas croire Leo. Une braise prête à grandir en un incendie. Cette peur était étrangère à Cordélia, servante du savoir. La peur de l'inconnu n'était rien d'autre qu'un poison réfugié au plus profond de leurs veines.

La nuit rendait les silhouettes humaines encore plus éblouissantes et la main de Nesryn dans la sienne la réchauffait d'une manière que le soleil ne connaissait pas. Elle écoutait attentivement l'altercation entre Leo et l'un des gardes. Depuis qu'ils étaient arrivés près du grand portail, l'entrée leur avait été refusée. D'après les mouvements qu'elle discernait, Leo avait du mal à garder sa patience. Nesryn avait déjà essayé de leur expliquer mais la seule réponse qu'elle reçut fut une lame placée contre sa gorge.

La sécurité n'était qu'une idéologie.

- Appelez Elijah ! Il est au courant, vous verrez ! s'écria le jeune soldat.

- On l'a déjà fait Leo mais tant qu'il n'est pas là, ces "femmes" restent là.

- Fais attention à ce que tu dis. avertit Leo en pointant son index vers le visage de l'homme.

Le ton ,que ce gardien avait employé, résonnait en elle tel un écho. Il avait craché ces mots comme si ça lui brûlait la langue, comme si elles ne méritaient pas un terme pourtant si ordinaire. Cordélia se rendit finalement compte que le roi ne serait pas le seul à vouloir les voir partir. Elle s'accrocha un peu plus à la main de sa sœur.

Bientôt, les choses s'envenimèrent. Leo agrippa le col de son interlocuteur qui le regardait avec un sale sourire en coin. D'autres levèrent leur épée vers Leo, espérant le décourager, en vain.

Tout d'un coup, le silence s'imprégna de l'espace qu'ils occupaient. Les branches des arbres n'exprimaient plus leur chant et les oiseaux nocturnes avaient trouvé un sommeil imprévisible. Tout le monde s'était tu et le claquement de bottes sur la pierre semblait les tenir en haleine. Le coupable s'arrêta et le vide revint.

SeraphineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant