2 : Mauvaise ambiance à l'Élysée

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Le 9 juillet 2024, Gabriel Attal ne pouvait que constater les dégâts causés suite aux manifestations en signe de protestation contre la majorité relative du Rassemblement National à l'Assemblée. Dans les rues de Paris, bien des vitrines étaient couvertes ça et là de toiles d'araignées de verre, quand elles n'étaient pas ouvertes à l'air libre. La plupart des commerces semblaient épargnés, et s'il n'y avait apparement pas eu de pillages, cela ne devait être qu'une consolation douce-amère pour les commerçants qui auraient à devoir se présenter vitrines cassées face aux passants. Une image qui ne motivait généralement pas à entrer dans les magasins pour y acheter quelques bricoles.

— Allez-vous démissionner ? questionna le chauffeur qui le conduisait au palais de l'Élysée.

— Il le faudra bien, j'aurai même dû le faire hier, avoua le Premier ministre en soupirant. Mais de toute façon, c'est au Président de décider quand il me remplacera par Jordan Bardella. Et je devrai décider de si je garde les avantages de mon poste ou pas, pour la suite.

— Si ça vous convient, ça ne me poserait pas de souci de rester votre chauffeur privé. Même avec un salaire moindre. Je ne tiens pas à conduire Jordan Bardella.

Gabriel sourit aimablement au chauffeur qui repéra sa réaction dans le rétroviseur intérieur. Le rôle de Premier ministre français s'accompagnait d'avantages, dont une voiture de fonction et un chauffeur personnel. Le trentenaire pouvait conserver ces deux avantages, en plus de quelques autres, en quittant son poste de Premier ministre, et il se doutait depuis quelques semaines que le chauffeur qui le conduisait dans ses déplacements depuis presque six mois voudrait le suivre.

Ahmad Leblanc était amical, discret et efficace, sans trop abuser des vitesses de conduite même lorsque Gabriel le pressait de rouler plus vite. Ce à quoi le conducteur lui rétorquait que c'était son permis qui perdrait des points en cas d'infractions, ce qui finissait par atténuer l'impatience du ministre le temps restant de la course.

Fils d'un français et d'une belge, tous deux issus de l'immigration maghrébine, le conducteur était certainement négatif à l'idée de conduire le chef de file du Rassemblement National, surtout après sa sortie absurde au sujet des postes de binationaux. Une aberration aux yeux de de Gabriel, qui aurait bien songé à lui rétorquer que selon la loi italienne, Bardella était italien par le droit du sang lui venant de sa mère, elle-même italienne. Si les binationaux n'avaient pas droit aux postes de sécurité en France, alors le franco-italien devrait dans ce cas lui-même céder le poste de Premier ministre à un « français pur souche » comme il aurait pu le dire

— Il ne serait pas forcément contre vous, Ahmed, souligna Gabriel en se voulant rassurant.

— Je me doute, mais honnêtement je ne tiens pas à le conduire, ni lui ni sa compagne. C'est la nièce de Marine Le Pen, elle est dans son ombre et je doute qu'ils me donnent la moindre lettre de recommandation s'ils me renvoyaient pour un autre chauffeur. Autant rester avec vous.

— Ça laisserait vos collègues face à eux.

— Bah, c'est notre travail de rester discret, mais avec un prénom comme le mien, je suis bon pour le mépris. D'autres collègues n'auraient pas ce souci, et le salaire est bon. Ce serait une compensation suffisante pour beaucoup, avoua le chauffeur à un feu rouge.

Ils restèrent silencieux quelques minutes de plus, se trouvant derrière une petite camionnette que Gabriel fixa un moment en se demandant ce que pouvaient penser les personnes qui conduisaient des résultats du second tour. Étaient-ils déçus, comme lui ? Méfiants, comme Ahmed ? Effrayés, comme tant d'autres ? Ou au contraire ravis, ayant peut-être voulu ces résultats ?

Pour mon pays (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant