4 : Discussions à Matignon

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La seule chose dont Gabriel Attal aurait eu besoin, ce vendredi 12 juillet, c'était que la France arrête de se déchirer et que les horreurs en tous genres cessent de s'étaler dans les journaux. Il avait eu son compte de paragraphes provenant d'interviews de bien des partis, pour critiquer la décision d'Emmanuel Macron de maintenir provisoirement le trentenaire au poste de Premier ministre. Ce qui lui avait valu bien des attaques plus directes à son égard, dont il aurait préféré se passer.

En particulier ceux de Jordan Bardella, très certainement en réaction aux piques que Gabriel lui avait envoyé deux jours plus tôt dans les jardins de Matignon, et qu'ils regrettait amèrement.

« Monsieur Attal aurait mieux fait de planter un saule pleureur à Matignon pour symboliser ses échecs. Non seulement car la forte symbolique rattachée au châtaignier qu'il a planté ne saurait être celle de son mandat si honteux pour le pays, mais également car les saules pleureurs symbolisent la mélancolie. Quelle meilleure symbolique que celle-ci pour un mandat que monsieur Attal n'aurait normalement pas pu mener à 6 mois sans la complicité providentielle du Président ? D'autant que le saule pleureur aurait fini par dépérir rapidement, puisque les jardins de Matignon ne sont pas le bord d'un lit de rivière où l'arbre aurait pu s'alimenter, lui si gourmand en eau. Car gourmand, monsieur Attal doit l'être pour chercher à garder si férocement son poste un peu plus longtemps, au lieu de me laisser la place. Et un arbre qui dépérirait rapidement aurait été le symbole de son lamentable mandat, dont on aurait tôt fait d'oublier. »

Le discours était virulent et sec, et malgré lui Gabriel songea que s'il n'avait pas abordé le sujet sensible et secret du passé de Jordan Bardella avec ce dernier deux jours plus tôt, ces mots publiés en lettres noirs dans plusieurs journaux n'auraient pas lieu d'être.

— Ce n'est pas si grave, lui fit remarquer Yaël Braun-Pivet à ses côtés, et de toute façon Bardella est toujours un grand abstentionniste. Dans six mois il y en aura bien pour le railler quand il aura complètement oublié de planter son arbre à Matignon.

— Il est fichu de le faire uniquement pour me narguer.

— Il te narguerait s'il plantait un olivier. Une symbolique de paix dans un pays qu'il va mener à sa perte, ça serait particulièrement ironique et déplacé. Une attaque contre la France, et aussi contre toi.

— Je ne comprends pas pourquoi le Président a insisté pour que Bardella soit présent quand je plantais mon châtaignier, soupira le Premier ministre en passant une main dans ses cheveux légèrement grisonnants. Rien que sa présence suffisait à me faire passer une mauvaise journée.

— Peut-être que Macron espère avoir la possibilité de le remplacer avant six mois de mandat, pour l'empêcher de planter un arbre à Matignon.

— C'est vrai, sourit Gabriel. Tu n'es pas déçue de ne plus être Présidente de l'Assemblée ?

— Pas tant que cela finalement. Je... j'admets que j'aurai aimé allé au bout de l'Assemblée que nous avions avant, ce n'était pas parfait mais il y avait encore un certain équilibre des forces, avoua Yaël d'un ton amer. Et les oppositions avaient admis que je présidais plutôt bien. Mais nous verrons si j'avais vraiment gagné leur adhésion le 18 juillet.

— Je serai sincèrement désolé que tu ne sois pas réélue, d'autant que tu as certainement tes chances face à Bardella. Le RN a peut-être une majorité mais elle est relative, et le parti s'était abstenu lorsqu'il avait fallu voter en 2022. Il y en aura forcément, des absents qui parieront sur le fait qu'ils soient de toute façon assez nombreux pour faire élire Bardella.

— J'en doute, ils doivent se méfier de la gauche. Il faudrait une majorité absolue sur l'un des deux premiers tours, sinon une majorité relative au troisième, et si la gauche s'allie à nous, nous restons plus nombreux que le RN, surtout si les LR viennent nous soutenir.

Pour mon pays (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant