Chapitre 6 - juin 2027

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   Je me redresse en sursaut dans mon lit. Une faible lumière me chatouille les yeux et je mets longtemps à comprendre qu'elle provient de la pleine lune. Or, il se trouve que je suis sensible lors de ces nuits-là.

   Alors je me lève pour sortir de mon lit. Il me sera impossible de retrouver le sommeil après m'être réveillé. C'est une sorte de fatalité lors de ces nuits-là.

   Je récupère ma chemise que j'avais jeté sur le sol quelques heures avant et mets mes tongues avant de sortir sur la pointe des pieds. Mais au moment de fermer la porte, quelque chose sur mon plancher attire mon regard. Mon pistolet qui brille, là, sur le sol. Une vague de panique me submerge. Qu'est-ce qu'il fait là ? Je ne l'avais pourtant pas sorti depuis mon arrivée ici... Je me précipite vers lui et le ramasse, hésitant entre le cacher ou aller vérifier dans un endroit caché, dans une pièce fermée à clé, que les réserves de balles ne sont pas vides.

   J'opte finalement pour la deuxième option et cache mon arme sous un pan de ma chemise, contre ma peau. Je m'engage ensuite dans l'escalier puis dans le hall quand une lumière provenant de la cuisine et se reflétant sur la grande porte entre dans mon champ de vision. Trop facile... C'est la deuxième fois que William me fait ce coup-là.

   Je me hisse sur la pointe de mes pieds et avance vers la cuisine, jouant avec mes doigts sur la sécurité du pistolet que je tiens fermement. Cette fois, je ne peux pas me louper. Ma conversation avec Bel est trop récente pour que je n'en tienne pas compte. Cette arme posée là, à ce moment, ainsi que mon réveil n'étaient que des signes du destin. Je lâche un souffle tremblant et entre dans la cuisine.

   William est assis sur une chaise et lit. Quand il me voit entrer, il lève la tête vers moi dans un petit sourire qui me fait intérieurement craquer.


— Tu es réveillé ?


   Sa voix me semble soudainement lointaine, comme si je n'avais pas réellement accès à ma conscience. Je me contente de le fixer, lui et sa gueule trop parfaite. Cibles faciles. Face à mon mutisme, il demande :


— Tu vas bien, Ayden ?


   Il me semble que c'est la première fois qu'il prononce mon prénom. C'est en tout cas la première fois que j'y fais attention. J'avance d'un pas dans sa direction et mes mains commencent à trembler. William fronce les sourcils et se lève de sa chaise, certainement par gentillesse, pour s'assurer que je vais bien. Mais je sors brusquement mon arme et la tiens à bout de bras. Le canon dirigé droit vers lui.


— Ne bouge pas !


   J'entends à peine ma voix, comme si ce que je faisais n'était pas réel. Je vais le buter. Mon arme est un silencieux. Une fois que son corps tombera au sol, je monterai chercher mes affaires, j'irai voir Bel et je disparaîtrai.

   Mais William ne réagit pas comme ce que je souhaitais. Il éclate de rire et s'approche quand même de moi. Agacé, je répète plus fort :


— Putain William ne bouge pas !


   Pour lui faire comprendre que je ne rigole pas, je retire la sécurité et charge mon pistolet d'un coup de doigt habile. Cette fois, il comprend et son corps se fige. Je vois des larmes perler à ses yeux. Je vais le tuer. Alors qu'il ouvre la bouche, certainement pour me supplier, mon index appui sur la détente et mes yeux se ferment. Le coup de feu pousse mon bras vers moi avec force et j'entends un léger bruit sourd, m'indiquant que la balle est partie. Le second bruit sourd que j'entends, plus gros, m'indique que ma cible est touchée.

   J'ouvre les yeux et ravale ma salive en découvrant son corps, allongé sur le sol, la tête encore appuyée contre la chaise, comme un vieux jouet. Il n'est pas mort, il suffoque, se vidant de son sang. J'ai visé le cœur. A mon tour, l'air me manque. Je chancelle en reculant et pose la main sur mes yeux, comme pour me sortir de cette réalité.

   Mais quand je les ouvre à nouveau, je redécouvre la vie. Le flingue entre mes mains tremblantes. Et le sang. Bordel, tellement de sang. 

The shadow in our eyesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant