Chapitre 15 - juin 2027

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   William rentre de plus en plus tard. Je pense que ça fait maintenant une semaine environ qu'il m'a retrouvé allongé sur le sol de ma chambre. On n'en a pas vraiment parlé, sauf quand il m'a avoué que c'était lui qui m'a ramassé. En fait, on n'a pas trop parlé depuis quelque temps car il rentre vraiment tard. Mais ce n'est pas pour autant qu'il est froid ou désagréable.

   Je reviens à peine d'un nouveau meurtre. J'ai réussi à me dégoter un client en trois jours, une femme violée dont la plainte n'a même pas été reçue chez les flics mais qui, pourtant avait les preuves.

   Je ne suis pas sale, pas couvert de sang ni rien parce que je l'ai pendu, faisant passer sa mort pour un suicide. Une mort simple, sinon, aurait fait pencher tous les soupçons sur la femme. Je n'ai rien laissé qui puisse faire penser à autre chose qu'un suicide.

   En fait, je suis même plutôt fier parce que j'ai eu l'idée de lui faire écrire une fausse lettre d'adieu en menaçant de tuer son chien. Et cet abruti l'a fait. Alors que je ne fais même pas de mal aux bestioles...

   Mais j'ai tout de même eu besoin de me laver, au moins pour effacer la sensation de la corde entre mes doigts. En sortant de la douche, l'idée d'aller jouer quelques morceaux de piano me traverse l'esprit.

   Alors je m'habille en chantonnant un air complètement faux et nul, puis me sèche rapidement les cheveux avant de sortir de ma chambre d'un pas décidé. William n'est pas venu jouer de la musique avec moi depuis longtemps. Je dois bien avouer que ça me manque un peu.

   En arrivant devant la porte, il me semble entendre un bruit et j'hésite alors à la pousser. Peut-être que William et Sarai s'entraînent à deux ? Finalement j'ouvre, en me disant que je m'excuserais si jamais c'était le cas.

   Mais à peine ai-je posé un pied dans la pièce que je remarque William, dos à moi. Il est assis à cheval sur une machine à triceps. Il est torse nu et donc c'est son dos qui m'est exposé.

   Je referme la porte en silence, légèrement amusé par sa volonté de muscler son corps frêle. Mais c'est là que je les vois, ses ecchymoses. Il en a partout. Son dos, ses épaules, sa nuque. Je sens mon corps se figer devant la scène. Il en est couvert...

   J'hésite donc à faire demi-tour, à partir silencieusement et faire comme si je n'avais jamais rien vu. Mais je ne peux pas. C'est trop grave, trop important. Alors je demande d'une voix basse :


— C'est eux qui t'ont fait ça ? Je les ai vu te frapper, et je sais pourquoi ils le font.


   William sursaute et lâche la barre qui tombe au sol dans un bruit sourd. Il se tourne vers moi presque d'un bond et pose ses bras sur son torse, j'imagine pour se cacher en dessous. Je le vois hésiter à répondre, il ouvre la bouche et la referme successivement mais finit par dire :


— N-non. C'est vieux ça.


   Il est gêné, ça se voit et ça me fend le cœur. Qu'il soit gêné de s'être fait tabasser. Je sais que c'est mal mais cette réaction m'énerve. Elle me gave presque autant que ses bras sur son torse alors je cours presque vers lui, saisis fermement ses mains et les retire pour voir ce qu'il cache. Son torse en est parsemé. Couvert de ces petites fleurs bleues, noires et violettes. Et ma vision se trouble de rouge car ces fleurs sont celles du mal. Ce qui me blesse le plus c'est que je n'arrive pas à les trouver laides parce que William est beau, c'est un fait.

   Je remarque alors ses petits poignets que je serre trop ainsi que son menton, tremblant. Ses yeux se remplissent de larmes et j'ai l'impression que mon cœur cède.

   Je ne pourrai pas supporter de voir cet ange déchu pleurer.


— William ?..


   Il secoue la tête, refusant de parler et j'accepte son silence parce que je sais qu'il remplace les larmes. Alors sans vraiment faire attention à ce que je fais, je lâche ses poignets et pose délicatement mes mains dans son dos, pour ne pas lui faire mal. Puis je l'attire contre mon torse.

   C'est de ma faute. Tout est de ma faute. Son parfum pénètre en moi, je pourrai m'y droguer. Je sens son corps frémir contre mon torse, à cause des sanglots, à cause de moi.

   Mais malgré tout ça, je suis tout de même fou de rage. En colère contre quelque chose que j'ai réclamé.


— Je sais ce qu'ils te font, je murmure. Arrête de te cacher...


   Et je le serre plus fort suite à cette demie confession de ma part. 

The shadow in our eyesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant