Il est minuit passé lorsque je suis de retour chez moi. Seules quelques lumières éclairent l'intérieur des fenêtres du manoir. Jacques Bel, notre gouverneur, est là pour m'accueillir. Il porte encore son uniforme, sa grosse bedaine tirant sur les boutons de sa chemise blanche, et essaie de cacher tant bien que mal ses bâillements au fur et à mesure que j'avance vers le hall d'entrée.
— Enfin, Jacques, vous devriez être dans votre lit à cette heure-ci, le réprimandé-je gentiment.
— Je n'aurais pas dormi sur mes deux oreilles tant que vous ne seriez pas rentrée, Mademoiselle Candice.
Je ne sais pas si c'est la fatigue en moi ou toute la pression de cette journée, mais un nœud se forme dans ma gorge à ses paroles. Il a toujours été très gentil avec moi et ne m'a jamais traitée comme la princesse délurée que je suis.
— Foncez dans votre lit maintenant, je suis là, tout va bien.
Voyant qu'il ne bouge pas d'un poil, je réitère :
— Dois-je préciser que c'était un ordre ?
Il sourit et cette fois, il ne réussit pas à cacher son bâillement.
— Bonne nuit, Mademoiselle Candice.
— Bonne nuit, Jacques.
Je le regarde rejoindre l'aile réservée aux domestiques sans bouger. C'est fou comme cet homme me rassure. Je le connais depuis toujours, je ne peux envisager qu'il ne fasse pas partie du décor. Une fois qu'il a disparu de mon champ de vision, je me dépêche de rejoindre ma chambre. Je prends une douche rapide, enfile avec bonheur mon pyjama, puis attrape un sweat. Je n'ai aucune envie de dormir, mon stress ne m'a pas quitté de la journée, et je ne vois qu'une chose pour réussir à m'apaiser.
Je descends jusqu'à la cuisine, dans le noir le plus total. Je connais le moindre recoin de ce château par cœur, jusqu'aux passages secrets. Il y en a un qui mène à la cuisine, juste en bas de l'escalier qui mène à l'étage de Tristan et moi. J'ouvre la petite porte derrière la tapisserie représentant mon arrière-grand-mère, la reine Thérèse, en tenue de cavalière, chevauchant dans la plaine à quelques pas de chez moi. Je laisse traîner ma main sur les murs, étant dans le noir le plus complet, seul le toucher peut me permettre de trouver la porte qui me permettra de rejoindre mon havre de paix. La brique plus enfoncée que les autres m'indique qu'elle se trouve à côté. J'attrape la petite poignée et arrive dans la cuisine dont les lumières m'éblouissent pendant quelques secondes. Pourquoi sont-elles allumées ? On a sûrement dû oublier de les éteindre comme il n'y a pas âmes qui vivent ici, mis à part la mienne.
Je n'ai aucune idée de ce que je vais pouvoir préparer en arrivant devant le réfrigérateur. Je le fouille pour voir quels ingrédients sont à ma portée. Comme d'habitude, il est rempli à souhait. On ne risque pas de manquer de nourriture ici. D'autant plus que mon père veut avoir la possibilité de cuisiner tout ce qu'il souhaite, n'importe quand. En voyant tous les ingrédients, je décide de préparer des pancakes. J'ai une soudaine envie de fringale, ce sera donc simple, mais efficace. Après avoir pris tout ce dont j'ai besoin au frais, je me dirige vers l'arrière cuisine chercher un saladier et les ingrédients secs. Quand je pousse la porte, la lumière est allumée et je tombe nez à nez sur un torse.
Un torse ?
Deux mains se posent sur mes épaules alors que je lève la tête. Ma stupéfaction doit refléter celle de l'homme collé à moi.
— Encore vous ? je m'exclame surprise. Qu'est-ce que vous faites dans ma cuisine ?
— Je pourrais vous retourner la question.
![](https://img.wattpad.com/cover/373583859-288-k959013.jpg)
VOUS LISEZ
Edesse tome 1 Jeunesse Royale
RomansaEt si les familles royales n'avaient jamais cessé d'exister ? Et si tous les pays avaient des monarchies parlementaires à leurs têtes ? Et si pour renforcer les liens entre les pays, les rois et les reines constituaient des accords de mariages secre...