Edesse tome 1 Jeunesse Royale

Chapitre 19 ⚜ Candice ⚜

Mon frère est sceptique et il ne s'en cache même pas. Tout comme ma mère, qui est clairement agacée d'être ici et préférerait être partout ailleurs. C'est sur qu'imposer à Tristan et ma mère de mettre les mains à la pâte n'était pas une mince affaire. Mais mon père a su les convaincre, comme toujours. Moi, j'ai été convaincue tout de suite, et pas seulement parce que ça allait me changer les idées. Après que Mila nous ait quittés, il nous a rassemblés, ma mère, Tristan, Elvira et moi, pour nous faire part de ce qu'il appelait son « projet secret ».

Son projet, c'est la mise en place d'un centre d'accueil offrant des repas pour les plus démunis chaque jour. De plus en plus de Français s'installent dans des endroits ruraux à cause de l'inflation qui déborde ces derniers temps dans notre pays. Une étude a d'ailleurs révélé que beaucoup trop de ces nouveaux arrivants n'ont pas de quoi se nourrir une fois établis, si bien qu'on pourrait croire qu'il y a la famine en France, alors que la vie reste relativement plus accessible près de chez moi. Ça a indigné mon père, pour qui les repas sont sûrement les moments les plus importants dans la vie. Avec son équipe, il a donc mis au point ce projet, en réhabilitant un bâtiment qui n'était plus exploité, en faisant travailler des personnes dans le besoin, pour enfin pouvoir ouvrir son centre d'accueil.

Naturellement, il a voulu nous mettre à contribution. Personnellement, j'en ai été ravie, parce que ça m'a remis un peu les pieds sur terre de savoir que tout près d'ici, certains ne mangeaient pas à leur faim. Moi, qui mange des festins à chaque repas, je peux bien aller aider un peu et me salir les mains de temps à autre.

— Où en est la marinade ? crie mon père en arrivant dans la cuisine du centre.

— Je coupe encore quelques échalotes, j'ai peur qu'il en manque pour la dernière fournée.

— C'est bien, ma fille. Je vais faire venir quelqu'un pour commencer à faire égoutter la viande, j'ai peur que tu ne puisses pas t'en occuper toute seule.

— Tu es prêt pour ton discours ?

Mon père fait une moue dubitative avant de glousser.

— Tu serais surprise si je te disais que je ne sais pas encore ce que je vais dire ?

— Pas le moins du monde !

Je continue de couper les échalotes, le sourire aux lèvres. Je suis vraiment heureuse de m'occuper en cuisinant. Il faut absolument que je remette le nez en cuisine plus souvent maintenant que je suis rentrée, ça me détend.

— Que dois-je faire ? me demande-t-on derrière moi.

— Qui me parle ? je demande en remuant le dernier plat de marinade.

— Raphaël Bakari.

Entendre ce prénom m'oblige à me retourner. Je suis surprise sans vraiment l'être de le voir ici. Après tout, Raphaël a été promu par mon père, mais les employés qui nous accompagnent lors d'événements publics comme celui d'aujourd'hui sont triés sur le volet. Et Raphaël n'a pas intégré notre famille depuis si longtemps. Mon père doit vraiment l'apprécier, car ce n'est pas Florentine qui aurait demandé à ce qu'il soit là aujourd'hui, malgré ses capacités culinaires. Ses dreads qui doivent horrifier ma chère maman sont attachés en arrière, comme à chaque fois qu'il est en cuisine. Mais ce n'est pas ce qui me saute aux yeux en premier.

— Oh la, Bakari, il faut dormir la nuit. Vos cernes font la taille de mon pouce.

— Que dois-je faire ? demande-il en ignorant mes propos.

— Égouttez la viande et commencez à faire cuire quelques morceaux.

— D'accord.

Il se met tout de suite au travail, en silence. Sauf que j'ai été très seule en cuisine depuis ce matin et que j'ai follement envie de parler.