Aveline

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Je regardais le paysage défiler depuis la cabine du navire avec impatience. Père, le roi, avait décidé de m'emmener avec lui pour la réunion avec le Royaume des Étoiles, ou encore le Royaume Étoilé. J'ai toujours rêvé de voyager, mais c'était très difficile de convaincre mes parents. J'espérais au moins que les descendants du monarque allié seraient sympas, car je suis quelqu'un de très sociable ! Mes cheveux blonds pâles volaient librement tandis que je me posais diverses questions. Qu'est-ce qui m'attendait là-bas ? Seule l'éclipse le sait. C'est une citation dans mon royaume qui signifie que personne ne lit l'avenir pour pouvoir nous préparer aux épreuves. Triste dicton quand on connaît l'histoire de l'Éclipse.

— Aveline ? Nous allons bientôt arriver.

C'était Othis, mon frère, qui m'appelait. Il était parfois lourd, mais il ne manquait pas de blaguer ou de me raconter diverses histoires d'aventure, ce que j'adorais. C'était l'aîné, sauf que j'avais souvent l'impression qu'il avait deux ans. Il était blond comme moi, mais ce qui nous différenciait le plus, c'étaient ses yeux bleus assez foncés qu'il avait hérités de notre mère. Personnellement, j'avais les yeux aussi gris qu'une pleine lune. Après quelques instants à faire des théories sur ce qu'il se passait dans le royaume allié, je me suis levée avant de monter les trois marches qui donnaient sur le pont. J'ai salué deux ou trois marins au passage avant de rejoindre mon frère et le monarque qui regardaient tous deux l'horizon.

— Tu es là, dit mon père en me jetant un bref coup d'œil.

— Oui. Nous y sommes ? répondis-je.

— Presque, annonça Othis.

Je me retins de sauter sur place à cause de l'excitation.

— Votre mère est restée dans sa cabine, l'air marin la rend bien pâle, nous prévint le roi.

Ma mère... Elle ne m'a jamais prêté la moindre attention, toujours à diriger ou à faire de nombreux voyages diplomatiques. En montant, elle avait daigné me saluer tandis que mon père discutait avec son héritier. Mon frère étant le plus grand, je n'aurais pas accès au trône, ce qui m'arrangeait grandement. Le pouvoir ne m'intéressait pas et à ce que je pouvais voir, Othis me comprenait. Il n'avait aucune envie de discuter politique avec Père, de ce que j'ai compris. Nos discussions nocturnes tournaient autour de nos parents ou de nos problèmes ; il était très réconfortant dans ces moments-là. Je me plaisais bien à le narguer lors des réunions, le pauvre me regardait avec un regard aussi noir qu'une nuit sans lumière. Mon père me tira de mes pensées.

— Les enfants, soyez respectueux dans le Royaume Étoilé. Nous devons faire bonne impression. Surtout toi, Othis.

Mon frère baissa la tête d'un air fatigué, ses yeux aussi bleus que l'océan rivés sur le plancher du navire. Il me faisait un peu pitié à devoir supporter les remarques de Père sur la tenue d'un héritier.

— Bien sûr, marmonna Othis.

— Père... J'ai une question.

— Je t'écoute, me répondit-il en haussant un de ses sourcils blond paille.

Je le regardai dans les yeux avant de m'exprimer.

— Nous allons vers le Royaume Étoilé pour leur donner des informations, mais sur quoi portent-elles ?

— Ce ne sont pas tes affaires.

Une femme aux cheveux blancs et aux yeux bleus océan avança vers nous. Elle portait une robe dorée au motif de vagues.

— Mère, dit Othis en s'inclinant.

J'en fis autant. Aussi longtemps que je me souvienne, elle nous avait ordonné de la traiter comme une reine et non comme une mère.

— Le roi Astérion a demandé à ce que vous veniez pour rencontrer ses enfants. Nous n'avons pas eu d'autres choix, continua-t-elle.

Mon père soupira en écoutant le discours de la reine.

— Ils s'appellent Étoile et Keda. Ils ont un cousin également...

— Qui importe peu. Othis, tu resteras avec Étoile, il s'agit de l'aîné également, le coupa ma mère.

Mon frère acquiesça à contrecœur.

— Toi, tu seras avec Keda. Si tout se passe comme prévu, nos deux royaumes seront plus puissants.

Je ne sus quoi dire. Mais quel était son plan ?

— Qu'est-ce qui devrait se passer comme prévu ? demanda Othis.

Les deux monarques se regardèrent, comme s'ils étaient dans un débat silencieux. Je ne savais pas ce qu'ils manigançaient, mais j'étais sûr que cela ne signifiait rien de bon.

Quelques minutes plus tard, nous avons été accueillis par la famille royale. Le roi était accompagné par son épouse et également par une autre femme qui devait être sa sœur. Devant eux, trois enfants se tenaient droits. Ils avaient tous les cheveux noirs, mais deux se ressemblaient comme deux gouttes d'eau. Le troisième était plus grand avec un air insensible qui se faisait ressentir dans ses yeux violets. Je ne l'aimais déjà pas. La famille portait des tenues argentées qui les faisaient ressortir du lot. J'ai serré mon sac contre moi en voyant leurs regards scrutateurs.

— Bienvenue au Royaume Étoilé ! nous salua le monarque.

— Merci de votre accueil, répondit respectueusement mon père.

Ma mère, mon frère et moi nous sommes inclinés.

— Je vous présente Keda, Étoile et Pao, continua fièrement Astérion en les présentant.

— Enchanté, dit le dénommé Keda.

Son frère nous regarda de haut mais grommela quand même :

— C'est un honneur de vous recevoir.

— Si vous avez besoin, n'hésitez pas, conclut leur cousin sans qu'aucune émotion ne se laisse paraître.

Mon frère les remercia. Nos parents restèrent avec les autres adultes tandis que nous nous laissions guider par les autres adolescents dans leur palais. Les murs étaient incrustés d'argent avec des motifs d'étoiles et de panthères des neiges, l'animal totem de ce royaume. Nous en avions chacun un : le loup représentait mon royaume, le lion était l'animal du royaume solaire, le royaume nuageux avait obtenu le tigre blanc et l'Éclipse avait eu le chat noir. Je connaissais l'histoire des royaumes sur le bout des doigts, c'était la seule matière où j'excellais. Pendant le trajet, je regardais Pao pour vérifier qu'il était bien humain. Il était assez froid, ce qui ne collait pas avec ma nature explosive. Je me retenais de parler car un silence de plomb pesait dans l'atmosphère. Nous sommes finalement arrivés devant deux portes côte à côte.

— Voici vos chambres, annonça Étoile en me regardant avec mon frère.

Nous l'avons remercié avant d'ouvrir chacun une porte. La beauté de cette pièce m'a laissée ébahie. Le plafond, peint en bleu profond, était parsemé de constellations dorées, scintillant à la lueur du lustre en hauteur. Les murs, tapissés de tissus soyeux, étaient ornés de motifs astraux brodés d'argent, tandis que les rideaux lourds et majestueux, également couverts de constellations, filtraient les rayons du soleil. Le lit avait une couverture drapée de soie bleu nuit parsemée de petites étoiles dorées. Au centre de la pièce, un lustre en cristal en forme de comète projetait des éclats de lumière. Il y avait une terrasse qui donnait sur le jardin royal.

— La vue est magnifique le soir.

Je n'avais pas entendu Keda se rapprocher de moi.

— Sûrement, dis-je d'un ton nonchalant.

— Le bassin reflète la lumière des étoiles, lui donnant une teinte argentée. Si je te donnais rendez-vous, tu me rejoindrais ?

Que s'était-il passé ? Pourquoi n'était-il plus si timide qu'avant ?

— Je sais à quoi tu penses. Mieux vaut paraître faible face aux autres pour en tirer avantage, mais je préfère de loin être moi-même.

Il m'adressa un grand sourire. Je ne savais pas quoi répondre.

— Tu ne vas pas me snober, rassure-moi ! ria-t-il.

— Oui... marmonnais-je.

— Parfait ! Alors viens ce soir dans le jardin, je vais te faire une visite nocturne du royaume !

Les héritiers du cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant