Les héritiers du ciel

Elios

Je regardai Aveline, qui semblait résolue à imposer notre entraînement à Edros. Il y avait dans son regard une détermination qui trahissait son autorité, mais aussi un certain doute, comme si elle n'était pas totalement certaine de la manière de faire. Pourtant, elle s'efforçait de nous donner le rythme.

Je n'arrivais pas à me prononcer concernant les médaillons, pourtant ils me fascinaient autant qu'ils m'intriguaient. Ce qui était certain, c'était qu'ils étaient d'une complexité insondable, et que leur origine demeurait un mystère qui me hantait.

Je fixai l'un d'eux, posé entre mes mains. Un éclat argenté perçait à travers sa surface lisse, un reflet éclatant, presque éthéré. C'était comme si l'objet capturait une lumière invisible, une lumière qui n'existait que dans l'instant précis où je le contemplais.

Au centre du médaillon, un tigre blanc se détachait, ses yeux bleu-gris remplis de la même intensité que l'immensité d'un ciel couvert de nuages. Il semblait sur le point de bondir, ses muscles tendus prêts à se libérer. Il était d'une majesté inouïe. Une telle force, une telle grâce... C'était presque irréel.

Je ne pus m'empêcher de penser à moi-même, les mots me traversant l'esprit, clairs comme de l'eau de roche, mais si douloureux :

Contrairement à moi...

Un vide m'envahit, un sentiment d'inadéquation. Tout en observant le tigre, j'avais l'impression qu'il incarnait tout ce que je n'étais pas, tout ce que je ne pourrais jamais être. Majestueux, imposant, prêt à tout affronter. Et moi, je restais là, figé dans un doute interminable, comme toujours à chercher ma place .

- Oh oh, Elios ! Ça va pas de fixer un rond comme ça ?! me railla Sunniva, son ton moqueur me ramenant brutalement à la réalité.

Je lui jetai un regard noir, avant de réaliser que je venais d'être méchant. Sunniva, toujours aussi exaspérante, renchérissait immédiatement :

- Oups, j'ai mis Elios en colère !

Elle sourit, un sourire à la fois amusé et un peu taquin, mais quelque chose dans la façon dont elle me regardait me fit soupirer. Je ne savais pas si c'était la moquerie, ou le fait que ses mots venaient d'une place d'incompréhension, mais je ne pouvais m'empêcher de la sentir à des années-lumière de tout ce qui m'envahissait à cet instant.

Je me retournai brusquement, la colère bouillonnant en moi, et m'assis sur mon lit d'un geste impulsif. Le médaillon, ce fichu médaillon, m'énervait tellement que, sans réfléchir, je le lançai violemment au sol. Le métal s'écrasa contre le parquet avec un bruit sec, un cliquetis froid qui résonna dans la pièce. Le choc fit vibrer l'air autour de nous, mais ce n'était pas ça qui m'étonna.

À l'instant même où le médaillon toucha le sol, une lumière d'une intensité aveuglante, d'un bleu ciel pur, jaillit de l'objet. Elle éclata comme un éclair, illuminant la pièce d'une lueur surnaturelle, d'une clarté si vive que nous fûmes tous contraints de fermer les yeux, éblouis.

Et puis, aussi soudainement qu'elle était apparue, la lueur se dissipa. Lorsque nous rouvrîmes les yeux, le spectacle devant nous nous étonna tous dans un silence sidéré. Là, dans la pièce, se tenait un tigre blanc d'une majesté phénoménale. Il était exactement comme sur le médaillon, avec son pelage éclatant, d'une pureté glacée, et ses yeux bleu-gris d'une profondeur insondable, presque hypnotique. Il était imposant, comme une créature née des légendes, prêt à bondir mais d'une tranquillité étrange.

Aveline et Sunniva, prises de panique, se précipitèrent derrière le lit, leurs corps tendus par la peur. Pao et Soraya, eux, ne bougèrent pas d'un pouce. Ils restèrent là, presque sereins, comme si une telle apparition était tout à fait banale, comme si c'était quelque chose qu'ils avaient prévu, ou qu'ils avaient déjà vu. Leur calme contrastait tellement avec la tension qui régnait dans la pièce que je me demandai un instant si j'étais le seul à être complètement perdu par ce qui venait de se produire

Je le fixa droit dans les yeux et j'eus un frisson :

Il sent ma peur...